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Incapacité de travail et activité exercée en l’absence d’autorisation du médecin-conseil : étendue de la récupération de l’indu

Commentaire de C. trav. Mons, 21 mars 2012, R.G. 2011/AM/188

Mis en ligne le mercredi 18 juillet 2012


Cour du travail de Mons, 21 mars 2012, R.G. n° 2011/AM/188

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 21 mars 2012, la Cour du travail de Mons rappelle que, à défaut d’avoir recueilli l’accord du médecin-conseil, l’assuré social, bénéficiant d’indemnités dans le secteur des soins de santé et indemnités, est susceptible de se voir réclamer l’ensemble de celles-ci pour toute la période couverte par l’activité exercée.

Les faits

Un ouvrier mécanicien tombe en incapacité de travail en janvier 1999. Il sera indemnisé dans ce secteur jusqu’au 19 février 2007, date à laquelle il devient chômeur complet.

Lors d’une enquête ordonnée par le parquet de Namur, il expose effectuer des travaux de mécanique et de carrosserie dans un garage, et ce depuis mars 2003. Il déclare également employer régulièrement un chômeur complet indemnisé, dans le cadre de cette activité, ce que celui-ci va confirmer. La présence de véhicules en réparation est constatée, ainsi que divers documents attestant de travaux effectués.

Les faits reprochés, étant l’exercice de l’activité, sont dès lors établis. Dans des auditions ultérieures, l’intéressé conteste certaines déclarations actées par la police mais il admet, en fin de compte, avoir effectué certains travaux.

L’enquête se poursuit et l’auditorat transmet les procès-verbaux en cause au service du contrôle de l’INAMI. L’enquête administrative démarre et l’intéressé nie, alors, avoir exercé une activité pour compte de tiers.

L’INAMI prend une première décision le 5 mars 2009 refusant le bénéfice de l’application de l’article 101 de la loi coordonnée. Une seconde décision est prise le même jour, estimant que la capacité de gain de l’intéressé n’avait pas été réduite d’au moins 50% sur le plan médical pendant la période d’exercice de l’activité non-autorisée.

Décision du tribunal du travail

Par jugement du 4 avril 2011, le Tribunal du travail de Charleroi confirme les décisions administratives, se fondant sur les déclarations faites in tempore non suspecto, qui ne laissaient planer aucun doute quant à l’activité exercée. Pour le tribunal, c’est donc à bon droit que l’incapacité de travail avait été considérée inférieure à 50% pendant toute la période de travail non autorisé.

Position de parties en appel

L’intéressé interjette appel et fait valoir qu’il avait bien conservé une incapacité de travail d’au moins 50%. Pour lui, les indemnités d’invalidité ne peuvent être récupérées que pour les jours pendant lesquels l’activité a été exercée et celle-ci n’a pas été constante, vu l’état de santé. Les journées pour lesquelles il y a récupération doivent être assimilées à des jours pour lesquels une indemnité a été octroyée, et ce pour la fixation des droits aux prestations de sécurité sociale du titulaire et des personnes à sa charge.

Il sollicite dès lors la réformation du jugement et, à titre subsidiaire, la désignation d’un expert afin de donner un avis sur la capacité de travail au sens des articles 100 et 101 du la loi coordonnée le 14 juillet 1994.

Quant à l’INAMI, il considère que les faits sont établis et, s’agissant d’une activité commerciale de mécanicien et de carrossier, la capacité de gain ne pouvait être réduite d’au moins 50%. Le recours à une expertise ne se justifie, dès lors, pas.

Décision de la cour du travail

La cour va reprendre, dans un premier temps, les principes relatifs à la reprise du travail, telle qu’organisée par la loi coordonnée le 14 juillet 1994. Elle reprend également les sanctions prévues en cas de non-respect de l’article 101. Elle considère, examinant les éléments de l’espèce, qu’il y a eu aveu de l’exercice d’une activité et que, si cet aveu peut être révoqué pour cause d’erreur, il ne peut cependant l’être en raison de la seule rétractation de l’auteur.

Sur les sanctions, s’agissant de l’application de l’article 140 de la loi du 25 janvier 1999 (qui a remplacé le texte de l’article 101, alinéa 1er de la loi), le travailleur reconnu incapable de travailler mais qui a exercé une activité sans l’autorisation préalable du médecin-conseil et dont la capacité de travail est restée réduite d’u moins 50% doit rembourser les indemnités perçues pour les jours ou pour la période durant lesquelles ou laquelle le travail non autorisé a été exercé.

Pour la cour, dès lors qu’il y reprise d’activité non-autorisée – fût-ce pendant une journée – celle-ci entraîne la fin de l’incapacité à partir de cette date et, en conséquence, l’intégralité des indemnités perçues pour la période ultérieure doit être remboursée. La sanction est cependant différente si le travailleur reprend l’activité non autorisée tout en conservant son incapacité de 50%, puisque dans cette hypothèse, il n’y a lieu à récupération que pour les jours pendant lesquels l’activité a été exercée et que ces journées (pour lesquelles il y a récupération) restent assimilées à des journées d’incapacité de travail avec des conséquences importantes, étant que l’intéressé conserve sa qualité de titulaire pour le remboursement des soins de santé et qu’il ne doit pas faire une nouvelle déclaration d’incapacité de travail pour garantir ses droits après la période de reprise, puisqu’il retrouvera automatiquement ceux-ci.

Cependant, ce mécanisme ne peut fonctionner que si la reprise d’activité est immédiatement précédée d’une période d’incapacité avec cessation complète d’activité. L’assuré social peut bénéficier de l’article 101 à la condition d’être à ce moment soumis à l’article 100, § 1er de la loi.

En conséquence, à défaut pour l’intéressé d’établir avec précision les journées ou les périodes au cours desquelles il n’aurait pas exercé son activité, le principe est la récupération de l’intégralité des indemnités versées depuis la reprise du travail.

La mesure d’expertise sollicitée à titre subsidiaire est dès lors dépourvue d’intérêt.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la cour du travail rappelle l’articulation entre les articles 100 et 101 de la loi coordonnée, et essentiellement le principe en matière de récupération : dès lors qu’il y a reprise d’activité non autorisée, il y a fin de l’incapacité et récupération de l’intégralité des indemnités. A défaut pour l’assuré social d’identifier les journées de reprise de l’activité non autorisée, il n’y a pas lieu d’examiner s’il conservait une incapacité de 50% et pouvait bénéficier des avantages liés à cette situation.


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