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Demande de revenu d’intégration sociale et bénéfice d’un logement gratuit : critères de prise en compte

Commentaire de C. trav. Mons, 26 avril 2012, R.G. 2010/AM/258 et 2010/AM/259

Mis en ligne le mercredi 18 juillet 2012


Cour du travail de Mons, 26 avril 2012, R.G. n° 2010/AM/258 et 2010/AM/259

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 26 avril 2012, la Cour du travail de Mons rappelle que les ressources de demandeurs de revenus d’intégration sociale doivent s’apprécier en tenant compte de l’économie réalisée sur leur budget, et ce dans un cas où il y a bénéfice d’un logement mis gratuitement à disposition.

Les faits

Un CPAS intervient régulièrement pour soutenir une famille, celle-ci bénéficiant ainsi du revenu d‘intégration sociale et d’aides médicales. Le couple vit avec ses enfants dans un appartement mis gratuitement à sa disposition par la mère du mari. Vu l’évolution de la situation de la famille (enfants devenus majeurs, fluctuations des rentrées financières), diverses décisions interviennent et, à l’occasion d’une de celles-ci, le Tribunal du travail de Mons estime, dans un jugement du 26 mai 2010, qu’il y a lieu de tenir compte, dans l’octroi du revenu d’intégration sociale, d’un loyer fictif mensuel de 250€.

Il rappelle que, en vertu de l’article 16, alinéa 3 de la loi 26 mars 2002, qui vise les ressources et qui a été exécuté par l’article 33 de l’arrêté royal du 11 juillet 2002, les frais liés au logement qui constitue la résidence principale doivent être pris en considération comme étant des revenus lorsqu’ils sont pris en charge par un tiers avec qui le demandeur ne cohabite pas. Par revenu, le tribunal considère qu’il faut entendre les ressources visées par la loi et il est incontestable que l’avantage en nature fait partie de celles-ci. Pour le tribunal, il y a lieu de tenir compte du logement mis gratuitement à disposition et l’évaluation est correcte. A défaut de prise en compte dans les ressources, il y aurait discrimination parmi les bénéficiaires du revenu d’intégration, selon qu’ils doivent consacrer une partie de leurs revenus au paiement d’un loyer ou non.

Position de parties en appel

Les demandeurs considèrent qu’il n’y a pas lieu à déduction d’un montant au titre de loyer fictif, cet avantage devant venir en déduction de leur héritage futur.

Le CPAS rappelle, pour sa part, l’obligation qui lui est faite de procéder à une telle déduction, les frais du logement étant pris en charge par un tiers avec lequel les demandeurs ne cohabitent pas. En ce qui concerne la question de l’héritage, il considère que celle-ci lui est inopposable vu qu’il doit apprécier la situation des demandeurs eu égard à leurs ressources actuelles, et ce hic et nunc.

Les arrêts de la cour du travail

Arrêt du 6 avril 2011

Dans cet arrêt, la cour, appliquant l’article 33 de l’arrêté royal du 1 juillet 2002, considère qu’il faut apprécier les ressources des demandeurs en tenant compte de l’économie réalisée sur leur budget et qu’un héritage futur ne peut être un élément d’appréciation vu qu’il y a lieu d’examiner les ressources dont dispose le demandeur et non celles dont il disposera.

La cour examine un barème présenté par le CPAS, fixant le montant fictif d’un loyer économisé, et ce en fonction du type de bien occupé, ainsi que de son état. La cour considère qu’elle n’est pas liée par ce barème et qu’elle est tenue d’interpréter la notion légale de dignité humaine, étant qu’elle doit pénétrer dans le domaine de l’appréciation des faits. Elle ordonne, ainsi, une descente sur les lieux aux fins d’apprécier l’état du bien.

Arrêt du 26 avril 2012

Cet arrêt reprend la question, après la descente sur les lieux. Celle-ci a révélé que l’appartement est vétuste et connaît des problèmes de chauffage et d’humidité, ce à quoi le CPAS rétorque qu’il ne peut être rendu responsable des dégradations de l’immeuble litigieux, qu’il impute aux demandeurs. La cour doit dès lors, apprécier ce critère in concreto.

Elle rappelle que le revenu d’intégration sociale participe de l’aide sociale et que celle-ci est par principe résiduaire. La réglementation impose d’apprécier, dans ce contexte, les ressources dont bénéficient les demandeurs, et ce en tenant compte des économies réalisées sur leur budget. En l’espèce il n’y a pas loyer à acquitter mais avantage en nature dont il faut tenir compte au titre de ressources disponibles.

Constatant que les intéressés sont privés de tout moyen de chauffage, ainsi que d’eau chaude, depuis plusieurs années (le système étant scellé vu la dangerosité de son état), la cour constate qu’il y a dégradation avancée du bien. Elle estime ne pas devoir prendre position quant à la partie responsable de cette situation, les conflits locatifs étant de la compétence du juge de paix. En conséquence, le comportement éventuellement fautif des demandeurs n’est pas un critère à apprécier et la cour rappelle qu’elle doit examiner l’état de besoin, révélé par la précarité des conditions de vie.

La mission du juge porte sur le contrôle de légalité des décisions administratives. Son pouvoir de contrôle lui permet d’apprécier in concreto les faits qui lui sont soumis et de statuer sur le droit au revenu d’intégration sociale. C’est l’enseignement de la Cour de cassation dans son arrêt du 27 septembre1999 (Cass., 27 septembre 1999, J.T.T., 1999, p. 419). Il y a dès lors lieu uniquement de déterminer le loyer fictif venant en déduction du revenu d’intégration.

Sur cette question, la cour revient à certains critères adoptés par le Comité spécial du service social en fonction de type de logement (sans égard à leur situation géographique). Ces critères répartissent les logements en fonction de leur état (quel que soit le type de logement), de leur importance (kot, chambre individuelle, studio, petit appartement, maison unifamiliale, maison ouvrière, villa, …). A chacune de ces catégories correspond une évaluation forfaitaire, variant entre 150€ et 400€. La cour rappelle qu’elle a une compétence de pleine juridiction et qu’elle ne doit pas voir son appréciation limitée par des conditions fixées par une des parties au litige.

Elle va en conclure que, l’immeuble en cause étant particulièrement dégradé, il faut limiter à 150€ par mois la contrevaleur de cet avantage, et ce jusqu’au moment où un chauffage convenable serait rétabli.

Intérêt de la décision

Si le principe de la prise en compte de la mise à disposition d’un logement ne peut faire de doute, dans l’examen des ressources d’un demandeur de revenu d’intégration sociale, les arrêts rendus par la Cour du travail de Mons en cette affaire sont particulièrement nuancés, la cour ayant pris le soin – ce qui est rare – de descendre sur les lieux aux fins d’examiner les conditions de vie des intéressés. Elle rappelle également qu’elle a un pouvoir de pleine juridiction sur les éléments de la cause et qu’elle n’est tenue par aucune évaluation faite des avantages en nature.


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