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L’indemnisation en cas d’accidents successifs : nécessité d’une évaluation globale dès lors que l’accident a aggravé les séquelles d’un accident antérieur

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 24 avril 2006, R.G. 45.898W

Mis en ligne le jeudi 21 février 2008


Cour du travail de Bruxelles, 24 avril 2006, R.G. n° 45.898W

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

Dans un arrêt du 24 avril 2006, la cour du travail de Bruxelles a été amenée à rappeler les principes en matière d’indemnisation en cas d’accidents successifs, étant qu’il n’y a pas lieu, pour fixer l’incapacité permanente de travail consécutive au deuxième accident, ayant aggravé les séquelles d’un accident précédent, de déduire la réparation accordée pour celui-ci.

Les faits

Un ouvrier (installateur de chauffage) est victime de deux accidents de la circulation, sur le chemin du travail, en date des 12 novembre 1987 et 27 janvier 1989.

Ces accidents ont tous deux provoqué des lésions à la colonne cervicale et lombo-sacrée. Le second accident, de 1989, a aggravé les séquelles engendrées par le premier.

L’expert judiciaire, désigné pour évaluer le taux d’incapacité permanente des deux accidents, fixe celui-ci à 5% pour l’accident de 1987 et 8% pour l’accident de 1989.

Le jugement

Si le juge entérine les propositions de l’expert quant à l’indemnisation à conférer à l’accident du travail du 12 novembre 1987, il limite cependant l’incapacité permanente reconnue pour l’accident de 1989 à 3%, estimant qu’il y a lieu de déduire du taux proposé par l’expert (8%), le taux d’incapacité permanente de travail proposé suite au premier accident de 1987, et ce au motif qu’il y a lieu d’éviter une double réparation du même préjudice.

Le taux de 3% accordé pour l’accident de 1989 résulte dès lors d’une déduction de 5% (taux reconnu pour l’accident de 1987) des 8% proposés par l’expert.

Position des parties

Le travailleur a interjeté appel du jugement rendu, en ce qui concerne la fixation du taux d’incapacité permanente du second accident du travail du 27 janvier 1989. Il demande à la cour de fixer ce taux à 8%, au lieu des 3% retenus.

La décision de la Cour

Se fondant sur la jurisprudence constante de la Cour de Cassation, la cour du travail de Liège rappelle que lorsqu’un travailleur est victime d’accidents du travail successifs et que le dernier accident a aggravé les conséquences d’un accident précédent, l’incapacité permanente de travail de la victime doit être appréciée par les juridictions du travail dans son ensemble, et ce dès lors que l’incapacité de travail constatée après le dernier accident a celui-ci pour cause même partielle.

En conséquence, la cour du travail rappelle que l’on ne peut déduire de l’indemnité afférente au second accident celle qui avait déjà été accordée pour le premier.

Cette règle repose sur le caractère forfaitaire de la réparation organisé par la loi, étant que la capacité de travail (la valeur économique) du travailleur est légalement présumée trouver sa traduction dans la rémunération de base perçue par celle-ci l’année précédant l’accident. Aussi la réduction de la capacité de gain de la victime en conséquence d’un premier accident est-elle censée avoir déjà trouvé sa traduction dans une diminution de sa rémunération de base.

La cour réforme en conséquence le jugement entrepris, dès lors qu’il n’est pas contesté que l’accident de 1989 a aggravé les conséquences de celui de 1987 : l’incapacité permanente de travail consécutive au dernier accident doit être évaluée dans son ensemble, c’est-à-dire sans déduction du taux accordé pour l’accident du travail précédent.

L’incapacité permanente consécutive au dernier accident doit être fixée, ainsi que l’expert l’avait évaluée, à 8%.

Intérêt de la décision

L’arrêté annoté constitue l’application rigoureuse et correcte des principes dégagés, depuis déjà un certain temps, par la Cour de Cassation en matière d’indemnisation en cas d’accidents successifs.

En effet, lorsqu’un nouvel accident du travail aggrave les séquelles antérieurement indemnisées dans le cadre d’un premier accident, la question s’était posée, au niveau de la réparation à accorder à la victime, de savoir s’il faut tenir compte de l’incapacité globale dont la victime reste atteinte à la suite du second accident (effet cumulé du premier et du second accident) ou bien s’il y a lieu de déduire de l’indemnité afférente au second accident, celle qui avait déjà été accordée pour le premier. Les principes dégagés par la Cour de Cassation impliquent d’indemniser le dernier accident sans tenir compte de l’indemnisation antérieure.

Ainsi que le rappelle la cour du travail dans cet arrêt du 24 avril 2006, le second accident touche en effet une personne dont la rémunération de base exprime déjà, de façon irréfragable, la perte de valeur économique subie à la suite du premier accident.

Notons par ailleurs que la Cour d’Arbitrage, qui avait été invitée à se prononcer sur la compatibilité de ces principes aux règles d’égalité et de non discrimination contenues aux articles 10 et 11 de la Constitution, en a confirmé le caractère non discriminatoire (C.A., n° 104/2002 du 26 juin 2006, J.T.T., 2006, p. 357).


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