Terralaboris asbl

Accident du travail et lien de subordination

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 15 février 2012, R.G. 2010/AB/291

Mis en ligne le jeudi 12 juillet 2012


Cour du travail de Bruxelles, 15 février 2012, R.G. n° 2010/AB/291

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 15 février 2012, la Cour du travail de Bruxelles rappelle que l’indemnisation d’un accident dans le cadre de la loi du 10 avril 1971 implique que soit constaté un lien de subordination dans l’exécution du travail.

Les faits

Un portier de discothèque est victime d’une agression suite à laquelle il décède.

Les auteurs sont condamnés par le tribunal correctionnel mais sont insolvables.

L’épouse de la victime se tourne vers la Commission pour l’aide financière aux victimes d’actes intentionnels de violence. Celle-ci la déboute, son mari n’étant pas en séjour régulier en Belgique au moment des faits.

Une déclaration d’accident du travail est dès lors introduite auprès des Fonds des accidents du travail, l’employeur étant en défaut d’assurance.

Le Fonds refuse son intervention au motif qu’il n’est pas établi que le décès est survenu par le fait et pendant l’exercice des activités professionnelles et qu’il n’est pas établi que la victime travaillait dans le cadre d’un lien de subordination.

Une procédure est introduite devant le Tribunal du travail de Bruxelles, diverses parties étant appelées en intervention forcée et action récursoire.

Décision du tribunal du travail

Par jugement du 1er décembre 2009, le tribunal du travail constate qu’il y a accident du travail, au motif que la victime travaillait en qualité d’ouvrier « videur » pour compte de la partie appelée en intervention forcée et garantie par le FAT. Le tribunal admet le principe de l’indemnisation de la veuve et des deux enfants mineurs. La question est renvoyée au rôle aux fins de fixer la rémunération de base.

Position des parties en appel

Le FAT interjette appel, faisant essentiellement valoir l’absence de contrat de travail et considérant à titre subsidiaire que les faits n’ont pas été causés par le fait du contrat.

La veuve de la victime plaide quant à elle l’existence d’un contrat de travail (non écrit).

Décision de la cour du travail

La cour est amenée à rappeler les termes de l’article 1er de la loi du 10 avril 1971, selon lesquels la loi s’applique à toutes les personnes qui, en qualité d’employeur, de travailleur ou de personne assimilée, sont assujetties en tout ou en partie à la loi du 27 juin 1969 révisant l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs (1°) (…).

Il incombe dès lors, pour la cour, de déterminer en premier lieu si la relation de travail se situe ou non dans le cadre d’un accident du travail, c’est-à-dire de vérifier s’il existe un lien de subordination.

La cour rappelle à cet égard les derniers arrêts de la Cour de cassation, qui invitent de plus en plus les juges du fond à tenir compte de la qualification que les parties ont donnée à la convention. Ainsi, si celle-ci est qualifiée de contrat de travail, il faut examiner si les éléments invoqués pour exclure le contrat de travail établissent séparément ou dans leur ensemble l’absence de lien de subordination ou de possibilité d’un tel exercice de l’autorité. Cependant, dans l’hypothèse inverse, où les relations de travail se sont inscrites dans le cadre d’une collaboration indépendante, il faut apprécier si les éléments invoqués à l’appui de l’existence du lien de subordination laissent apparaître l’exercice (ou la possibilité d’exercice) d’autorité sur le travailleur dans la prestation relevant du contrat.

C’est la constatation de l’existence du lien de subordination qui exclut la qualification du contrat d’entreprise (la cour du travail citant successivement Cass., 4 janvier 2010, R.G. n° S.09.005.N, Cass. 6 décembre 2010, R.G. n° S.10.0073.N et Cass., 10 octobre 2011, R.G. n° S.10.0185.F).

En l’espèce, la cour examine longuement l’ensemble des déclarations au dossier ainsi que les autres éléments factuels. Elle constate que la victime était associée dans la société gérant la discothèque et que, si elle était rémunérée pour ses prestations, ceci n’est pas incompatible avec un contrat d’entreprise ou une collaboration indépendante. La cour constate qu’il ne ressort d’aucun élément au dossier que le travail était exécuté sous l’autorité de l’associé principal ou de la société elle-même : absence d’instructions, d’obligation de se conformer à un horaire précis, de justifier des absences, etc.

La cour réforme dès lors la décision du premier juge qui avait déduit de l’absence de reconnaissance du statut de travailleur indépendant la qualité de salarié. Elle relève qu’en l’espèce il s’agissait de travail non déclaré et que celui-ci peut se réaliser tant dans le cadre d’un contrat de travail que dans celui d’un contrat d’entreprise.

Elle accueille dès lors l’appel du FAT, vu l’absence de preuve d’un contrat de travail.

Intérêt de la décision

Dans cet arrêt, la Cour du travail de Bruxelles rappelle la condition première de l’application de la loi du 10 avril 1971, étant que la victime devait, au moment des faits, se trouver dans le cadre d’un contrat de travail et dans le cours de l’exécution de celui-ci. La preuve doit être apportée par l’ayant droit en l’espèce et la cour doit bien conclure très logiquement que, vu l’absence de tout élément de nature à établir la possibilité d’exercice d’une autorité sur le travailleur au moment des faits, il n’y a pas lieu à application de la loi.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be