Terralaboris asbl

Chômage : quand y a-t-il motif équitable ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 8 mars 2012, R.G. 2010/AB/923

Mis en ligne le lundi 2 juillet 2012


Cour du travail de Bruxelles, 8 mars 2012, R.G. n° 2010/AB/923

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 8 mars 2012, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les conditions requises pour qu’existe un motif équitable susceptible de sanctionner un chômeur suite à la perte de son emploi.

Les faits

Un employé est licencié pour motif grave : l’employeur fait grief d’un usage abusif du GSM professionnel (usage vers des lignes téléphoniques de rencontres notamment). Une procédure oppose le travailleur à l’employeur devant le Tribunal du travail de Nivelles et celui-ci est condamné à payer une indemnité compensatoire de préavis. Suite à l’appel de l’employeur, la Cour du travail de Bruxelles considère, dans un arrêt du 23 décembre 2009, qu’il n’y a pas motif grave. Elle fait cependant droit à la demande de la société de se voir rembourser les frais de téléphone (de l’ordre de 3.000€).

L’intéressé sollicite, après son licenciement, le bénéfice des allocations de chômage et l’ONEm considère par décision administrative qu’il est responsable de son licenciement. Il fait ainsi l’objet d’une exclusion de quatre semaines. L’ONEm constate qu’il a admis l’usage abusif du GSM et que cette faute a provoqué son licenciement. L’ONEm retient cependant qu’il s’agit d’un premier fait et que l’intéressé connaissait à cette époque un moment de désarroi suite à la perte d’un proche.

Décision du tribunal du travail

Saisi du recours contre la décision administrative, le Tribunal du travail de Nivelles déclare celui-ci fondé, considérant que l’ONEm n’apporte pas la preuve du motif invoqué.

Position de parties en appel

L’ONEm, appelant, fait valoir que la notion de motif équitable de licenciement suppose que trois éléments soient réunis : (i) une attitude fautive dans le chef du travailleur, (ii) un lien de causalité entre la faute et le licenciement et (iii) la conscience que cette faute devait déboucher sur le licenciement.

Il fait encore la distinction entre le motif grave (qui empêche immédiatement et définitivement la poursuite des relations contractuelles) et le motif équitable (qui est à l’origine du licenciement et qui est imputable au travailleur licencié). Pour l’ONEm, l’ensemble de ces éléments sont présents en l’espèce, dans la mesure où il n’est pas contesté que 90% des communications étaient à destination de numéros roses, que le caractère fautif du comportement a été admis, l’intéressé s’étant engagé à rembourser le coût lié à l’usage abusif du GSM. L’ONEm fait particulièrement grief au premier juge d’avoir conclu que l’intéressé ne pouvait avoir eu conscience que la faute commise devait déboucher sur le licenciement, dans la mesure où, ayant utilisé le GSM comme il l’avait fait, il devait savoir qu’il risquait de perdre son emploi.

Quant à l’intéressé, il fait valoir divers arguments factuels, dont l’absence d’avertissement oral ou écrit, ainsi que le fait que bon nombre des appels avaient été passés en dehors du temps de travail. Sur la question du coût, il déclare ne pas avoir été conscient de celui-ci. Il conteste particulièrement que, vu son ancienneté au sein de la société (12 ans) et l’absence d’avertissement, l’employeur ait considéré devoir le licencier, d’autant qu’il n’avait nui à la société en aucune manière.

Décision de la cour du travail

La cour rappelle que, même si le motif grave n’a pas été retenu, il faut examiner s’il existe un motif équitable au sens de l’article 51, § 1er, alinéa 2, 2° de l’arrêté royal du 25 novembre 1991. La cour considère que l’ONEm est tenu d’apporter une triple preuve, étant que :

  • une attitude fautive existe dans le chef du travailleur, que ce soit dans la vie professionnelle ou même dans la vie privée si les faits sont de nature à avoir une répercussion sur la sphère professionnelle ;
  • un lien de causalité doit exister entre la faute et le licenciement, celui-ci devant être la conséquence directe de la faute en cause ;
  • le licenciement doit être la conséquence équitable de la faute et c’est en fonction de ce paramètre que l’on considère que le travailleur doit avoir su ou à tout le moins pu supposer que sa faute comportait un risque de licenciement. La cour cite ici la doctrine (B. GRAULICH et P. PALSTERMAN, « Les droits et obligations du chômeur », Kluwer, 2003, p. 115).

Examinant les éléments de l’espèce, la cour constate que les deux premières conditions sont réunies et que la troisième l’est également, eu égard à l’arrêt statuant en matière de motif grave, qui a repris qu’existait une convention entre parties en ce qui concerne les communications téléphoniques, celles-ci étant susceptibles de faire l’objet d’une facturation. En conséquence, l’employé ne pouvait ignorer ce qu’il faisait.

La cour écarte les autres arguments soulevés par celui-ci, considérant qu’ils sont inopérants, eu égard aux conditions requises.

Elle confirme dès lors le jugement.

Intérêt de la décision

Ce cas d’espèce illustre parfaitement la distinction à opérer entre les motifs de licenciement, dans le cadre de l’article 35 de la loi du 3 juillet 1978 et de l’article 51 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991. L’arrêt reprend, en outre, les trois seules conditions pour que l’on puisse conclure au motif équitable. Elle écarte, dès lors, toutes autres considérations, comme superflues.


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