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Maladie professionnelle : quelle définition de la maladie appliquer en cas de modification législative en cours de procédure ?

Commentaire de C. trav. Liège, 5 décembre 2011, R.G. 2011/AL/75

Mis en ligne le lundi 2 juillet 2012


Cour du travail de Liège, 5 décembre 2011, R.G. n° 2011/AL/75

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 5 décembre 2011, la Cour du travail de Liège rappelle que doit être retenue la définition applicable au moment où la demande est introduite, et ce d’une part eu égard au caractère d’ordre public de la loi et vu l’exigence de légitime garantie des intérêts individuels.

Les faits

Un travailleur a été au service de la SNCV, en qualité de conducteur d’autobus à partir de 1973. La SRWT a succédé à la SNCV le 1er janvier 1991, dans la cadre de la régionalisation du secteur des transports. A partir du 1er juillet 1991, l’intéressé a poursuivi ses fonctions au service d’un TEC. Il introduit, en 2000, une demande auprès de la SRWT sur la base du code 1.605.01 (maladies ostéo-articulaires … provoquées par les vibrations mécaniques). Deux ans plus tard, la SRWT rend une décision négative au motif que le code applicable à ce moment est devenu le 1.605.12 et vise le affections de la colonne lombaire associées à des lésions dégénératives précoces provoquées par des vibrations mécaniques transmises au corps par le siège.

Une procédure judiciaire est engagée.

Par jugement du 24 juin 2010, le Tribunal du travail de Liège désigne un expert. Appel est interjeté de ce jugement.

Décision de la cour du travail

La cour tranche, en premier, la question de la législation applicable : le personnel de la SNCV était soumis à la loi du 3 juillet 1967 (secteur public), contrairement à celui de la SRWT et des cinq TEC locaux qui en dépendent, ceux-ci relevant du champ d’application des lois coordonnées du 3 juin 1970. Dans le cadre de la régionalisation, la SRWT s’est engagée, sur la question des maladies professionnelles, à reprendre les droits et obligations de la SNCV vis-à-vis du personnel occupé par elle avant le 1er janvier 1991. La cour constate que, cependant, la loi du 3 juillet 1967 faisant référence, pour la définition des maladies professionnelles, aux lois cordonnées le 3 juin 1970, il y a lieu de se référer ainsi, à la liste de l’arrêté royal du 28 mars 1969.

Dans un second temps, la cour balaie l’argument de l’employeur, selon lequel, un courrier ayant été adressé à l’expert judiciaire, dans le cadre de la mission confiée par le tribunal, il y aurait de ce fait acquiescement au jugement. La cour rappelle le caractère d’ordre public des dispositions de la loi du 3 juillet 1967, notamment sur la question de la définition de la maladie professionnelle ainsi que des conditions d’indemnisation. La mission confiée à l’expert s’inscrit dans ce cadre et la cour retient que le moyen pris du caractère d’ordre public de la loi doit être soulevé d’office, ce qu’elle a fait.

En ce qui concerne le fondement de l’appel, elle constate que la seule question visée est de déterminer quelle définition de la maladie professionnelle il faut retenir : celle qui existait au moment où l’intéressé a introduit sa demande d’indemnisation auprès de la SRWT ou celle (fruit d’une modification législative) existant au moment où la décision administrative a été rendue ?

La cour rappelle à cet égard qu’effectivement un arrêté royal du 2 août 2002 (entré en vigueur le 17 novembre suivant) est intervenu entre l’introduction de la demande et la décision. Rappelant l’article 2 du Code civil selon lequel la loi ne dispose que pour l’avenir et n’a point d’effet rétroactif, la cour précise que cette règle de non-rétroactivité est un principe général de droit qui vaut non seulement pour la loi mais aussi pour les arrêtés réglementaires (rappelant ici un arrêt de la Cour de cassation du 20 octobre 1970, Pas, 1971, p. 144). S’il est exact, sur cette question, que la réglementation nouvelle non rétroactive s’applique non seulement aux situations qui naissent après son entrée en vigueur mais également aux effets futurs de situations nées sous le régime de la réglementation antérieure se produisant ou se prolongeant sous l’empire de la loi nouvelle (et ce pour autant que cette application ne porte pas atteinte à des droits déjà irrévocablement fixés – Cass., 25 novembre 1991, J.T.T., 1992, p. 49), la cour constate qu’au moment où la demande d’indemnisation est introduite le droit à l’indemnisation n’est pas irrévocablement fixé ; ce qui l’est, c’est celui de voir apprécier sa demande selon la législation existante au moment où elle est introduite. Ceci vaut d’autant plus que, comme le relève la cour, la réglementation nouvelle est plus exigeante, plus sévère et de nature à restreindre les droits du travailleur et qu’en outre la décision de l’employeur (ou du juge) est déclarative et non constitutive du droit. Ceci est d’autant plus source d’insécurité que la SRWT a, en l’espèce, mis deux ans à rendre sa décision et que, si elle l’avait fait plus tôt, elle eut dû suivre les conditions du code 1.605.01.

La cour va dès lors conclure qu’il est équitable, cohérent et conforme à la légitime garantie des droits individuels de retenir la définition existant au moment où la demande a été introduite.

Elle confirme la mission d’expertise confiée par le premier juge en émendant certains termes, étant ceux relatifs à la définition de la maladie ostéo-articulaire.

Intérêt de la décision

Cette décision de la Cour du travail de Liège intervient dans le cadre de la modification du code 1.605.01, suite à l’arrêté royal du 2 août 2002. Il faut rappeler que la réglementation a encore été modifiée ultérieurement par un arrêté royal du 25 février 2007 et que dans un arrêt du 17 octobre 2011 (R.G. 2008/AL/35.519) rendu dans le cadre de cette seconde modification, la même Cour du travail de Liège a également conclu à la nécessité d’examiner les conditions d’indemnisation en application de la réglementation en vigueur à la date d’introduction de la demande.


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