Terralaboris asbl

Accident du travail n’entraînant pas d’incapacité temporaire immédiate mais survenant des années après : importance de la qualification de l’action judiciaire introduite pour l’appréciation du délai de prescription

Commentaire de C. trav. Mons, 1er février 2012, R.G. 2007/AM/20.603

Mis en ligne le mardi 26 juin 2012


Cour du travail de Mons, 1er février 2012, R.G. n° 2007/AM/20.603

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 1er février 2012, la Cour du travail de Mons rappelle que, même si un accident du travail ne donne pas lieu à une incapacité temporaire et n’a pas fait l’objet d’un règlement, l’action introduite dans le délai de trois ans est une action en indemnisation et non en revision.

Les faits

Une caissière est victime d’un accident du travail le 27 juin 2000. Elle est menacée par un client, qui, pointant sur elle un révolver, lui demande le contenu de sa caisse. L’intéressée n’est pas mise en incapacité de travail dans l’immédiat, mais continue à travailler.

Elle interrompt la prescription triennale par lettre recommandée du 16 juin 2003. Elle signale être en incapacité depuis le 21 janvier 2003, sa mutuelle ayant admis celle-ci, vu un état anxio-dépressif.

L’assureur-loi rejette ce qu’il considère comme une rechute en incapacité temporaire, au motif d’absence de lien avec l’accident. Une procédure est introduite devant le Tribunal du travail de Charleroi, qui désigne un expert. Pour le tribunal, il s’agit d’une action en indemnisation et en détermination des lésions résultant de l’accident.

Position de parties en appel

L’assureur-loi interjette appel, considérant qu’il y a non action en indemnisation mais en aggravation, au sens de l’article 9 de l’arrêté royal du 10 décembre 1987. Pour l’assureur, il n’y a pas eu d’incapacité temporaire de travail suite à l’accident et l’on se trouve dans une hypothèse de guérison sans incapacité permanente, ouvrant le droit à une action en revision, qui a ainsi pris cours à la date de l’accident et s’est terminée le 27 juin 2003. Aucune procédure judiciaire n’ayant été diligentée avant 2005 (date de la citation devant le Tribunal du travail de Charleroi), la consolidation sans séquelles est devenue définitive.

Quant à l’intéressée, elle estime qu’il n’y a eu ni rapport ni décision judiciaire se prononçant sur les conséquences éventuelles de l’accident, de telle sorte que l’on ne se trouve pas dans le cadre d’une action en revision mais bien en indemnisation des séquelles éventuelles de l’accident. Elle estime avoir interrompu valablement la prescription, ayant adressé un courrier recommandé avant l’expiration du délai de trois ans prévu à l’article 69 de la loi du 10 avril 1971.

Décision de la cour du travail

La cour va débouter l’assureur-loi, au motif d’une confusion manifeste entre l’aggravation de l’état de la victime avant que l’indemnisation des séquelles n’ait été réglée et l’aggravation ultérieure – indemnisée différemment selon qu’elle survient dans le délai de revision ou en dehors de celui-ci.

La cour rappelle que l’aggravation temporaire intervenue dans le délai de revision est réglementée par l’article 25 de la loi et l’aggravation définitive par l’article 72 : l’article 25 vise la victime atteinte d’une incapacité permanente (ce qui suppose que la consolidation soit acquise) et qui exerce une occupation professionnelle salariée au moment de l’aggravation, tandis que l’article 72 permet de corriger le taux de l’incapacité permanente initiale.

Par contre, après le délai de revision, l’aggravation temporaire est visée par l’article 25, alinéa 3 de la loi tandis que l’aggravation permanente fait l’objet de l’article 9 de l’arrêté royal du 10 décembre 1987.

La cour rappelle sur ces allocations d’aggravation que la Cour de cassation a jugé dans un arrêt du 8 février 1993 (Cass., 8 février 1993, Chron. D.S., 1993, p. 311) que le droit se formait au moment où l’état de la victime empirait.

La cour va dès lors constater une erreur juridique dans le chef de l’assureur-loi, puisque la victime n’a jamais été indemnisée des séquelles de l’accident, que ce soit dans le cadre d’un accord indemnités entériné par le Fonds des accidents du travail ou par une décision judiciaire définitive. La demande introduite ne peut dès lors s’analyser que comme une action en indemnisation et en fixation des lésions résultant de l’accident.

Cette action n’est pas prescrite, vu la lettre recommandée adressée dans le délai de trois ans à partir du jour de l’accident, étant celui auquel le droit à la réparation est né.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Mons rappelle les diverses hypothèses d’aggravation des séquelles d’un accident du travail : aggravation temporaire ou permanente, intervenue dans ou après le délai de revision. Cet arrêt conclut cependant et très logiquement que, en l’espèce, l’action introduite est une action en indemnisation et non en revision. La particularité de l’espèce était de ne pas avoir entraîné d’incapacité temporaire dans le décours immédiat de l’accident.


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