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Chômage - Activité accessoire non déclarée : étendue de la récupération

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 18 janvier 2012, R.G. 2010/AB/826

Mis en ligne le mercredi 13 juin 2012


Cour du travail de Bruxelles, 18 janvier 2012, R.G. n° 2010/AB/826

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 18 janvier 2012, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les règles de l’article 169 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 et notamment la force probante des documents produits par le chômeur qui demande la limitation de la récupération des allocations indûment perçues.

Les faits

Après une période de chômage, un travailleur reprend une activité à temps partiel et s’inscrit également au statut social des travailleurs indépendants en vue d’exercer une activité d’indépendant à titre complémentaire (photographe). Très rapidement, il sollicite le bénéfice d’allocations de chômage. Dans son formulaire C1 il ne mentionne pas son activité indépendante à titre complémentaire.

Il est ultérieurement entendu par l’ONEm à propos du cumul des allocations de chômage et des revenus produits par l’exercice de cette activité.

Il fait valoir dans son audition que ceci ne lui pas beaucoup rapporté (environ 100€ par mois à partir du 4e mois) et que l’activité accessoire s’est arrêtée un an plus tard.

Il fait dès lors l’objet d’une mesure d’exclusion avec récupération et de deux sanctions, pour omission de déclaration (huit semaines) et pour obligation de biffure de la carte de contrôle (quatre semaines).

Un recours est introduit devant le tribunal du travail, suite à la notification d’une demande de remboursement d’un montant de l’ordre de 4.700€.

Décision du tribunal du travail

Dans un jugement du 25 juin 2010, le tribunal du travail fait partiellement droit au recours, limitant la récupération à certaines journées. Il confirme cependant les sanctions.

Position de parties en appel

L’ONEm fait grief au premier juge d’avoir limité la récupération à un nombre déterminé de journées, étant celles pour lesquelles il est prouvé qu’il y a eu exercice d’une activité incompatible avec les allocations de chômage.

Décision de la cour du travail

La Cour rappelle l’article 169 de l’arrêté royal (alinéa 1), selon lequel lorsque le chômeur prouve qu’il a perçu de bonne foi des allocations auxquelles il n’avait pas droit, la récupération est limitée aux 150 derniers jours. Le texte exclut cependant du bénéfice de cette limitation le cumul d’allocations au sens de l’article 27, 4° (qui définit les divers types d’allocations perçues dans le cadre de la réglementation de chômage) ou d’une telle allocation avec une prestation accordée en vertu d’un autre régime de sécurité sociale.

La cour relève que la preuve est particulièrement ardue, en cette matière. En effet, le texte impose au chômeur d’établir qu’il n’a travaillé que certains jours ou pendant certaines périodes. Aussi la cour renvoie-t-elle à un autre arrêt rendu par elle (C. trav. Bruxelles, 27 octobre 2005, RG 43.906) et à la doctrine auxquels elle s’y est référée pour considérer que cette disposition est d’interprétation stricte.

L’intéressé devait, dans le cadre de son activité indépendante, faire des photos d’identité pour des pensionnaires de maisons de repos, et ce à la demande de la maison de repos. L’intéressé dépose sa comptabilité stricte, les factures étant numérotées et la période litigieuse étant visée dans son ensemble. Il communique également ses avertissements extraits de rôle.

À l’ONEm, qui considère que l’on ne se trouve pas ici dans une hypothèse où seul un nombre limité de factures est produit, la cour rétorque que, au contraire, la communication de l’ensemble de la comptabilité, ainsi que des factures donne une image exacte et fidèle de l’activité exercée. Celle-ci a par ailleurs eu un caractère limité et il est aisé d’en identifier avec certitude les périodes de prestation. La cour accorde dès lors une force probante certaine aux documents comptables produits, comme l’avait d’ailleurs fait le premier juge.

La cour tranche également une question de droit, relative à l’articulation des alinéas 2 et 3 de l’article 169. Elle considère que, pour examiner si l’intéressé apporte la preuve de la limitation de prestations à certains jours ou pendant certaines périodes, il n’y a pas lieu d’examiner la preuve de la bonne foi visée à l’alinéa 2. Elle renvoie ici à son arrêt du 19 mai 2011 (C. trav. Bruxelles, 19 mai 2011, RG 52.560).

Elle rappelle en outre que, même si l’ONEm n’a pas la charge de la preuve, il doit collaborer à son administration et que, en l’absence d’un indice quelconque de l’existence d’autres prestations (activités sans facturation, autres démarches telles que prospection, suivi administratif, …) l’ONEm ne peut être suivi lorsqu’il considère que les conditions d’application de l’article 163, alinéa 3 ne sont pas remplies. Il s’agit de simples affirmations.

En conséquence, la cour confirme le jugement.

Elle va, enfin, examiner la demande formulée par l’assuré social en ce qui concerne les sanctions appliquées. Le tribunal a, en effet, confirmé les deux sanctions. La cour constate que la réalité des manquements n’est pas discutée et que dès lors les sanctions sont justifiées dans leur principe. Ce qui, en conséquence, peut être discuté est la hauteur des sanctions.

Pour la cour du travail, l’absence de déclaration d’une activité complémentaire sur le C1 ainsi que l’absence de biffure de la carte de contrôle sont des manquements importants. Cependant, le caractère minime de l’activité, le fait qu’elle a été entamée alors que l’intéressé était occupé dans le cadre d’un contrat de travail à temps partiel, ainsi que le fait qu’il s’agit d’une première infraction sont retenus comme des circonstances atténuantes, de même que la circonstance que l’intéressé a de manière persistante entendu échapper au chômage. Le sursis partiel lui est dès lors accordé, étant quatre semaines pour la première infraction et deux pour la seconde.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles rappelle les difficultés inhérentes aux conditions prévues à l’article 169 de l’arrêté royal et, particulièrement l’articulation entre la référence à la perception de bonne foi d’allocations (alinéa 2) et la preuve de l’exercice limité de l’activité incompatible avec celles-ci (alinéa 3). La cour rappelle sa propre jurisprudence selon laquelle la preuve à apporter par l’assuré social d’une activité exercée pendant une période limitée ne dépend pas de la preuve de la bonne foi.


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