Terralaboris asbl

Accident du travail : sort d’allocations de chômage perçues pendant l’incapacité temporaire

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 16 janvier 2012, R.G. 2009/AB/51.811

Mis en ligne le mardi 29 mai 2012


Cour du travail de Bruxelles, 16 janvier 2012, R.G. n° 2009/AB/51.811

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 16 janvier 2012, la Cour du travail de Bruxelles rappelle que, à la différence du mécanisme légal en soins de santé, les allocations de chômage perçues pendant une période d’incapacité temporaire qui devrait donner lieu à intervention de l’assureur ne peuvent être récupérées par l’ONEm auprès de celui-ci. C’est l’assuré social qui doit les restituer.

Les faits

Une travailleuse intérimaire est victime d’un accident du travail à la suite duquel elle est successivement en incapacité de travail, en reprise du travail ou en chômage.

Dans le cadre du règlement des séquelles, un litige va naître en ce qui concerne les périodes d’incapacité temporaire totale à prendre en charge par l’assurance et sur le remboursement de l’intervention de l’ONEm.

La procédure

Le Tribunal du travail de Bruxelles désigne un expert et, à la suite du dépôt du rapport d’expertise, fixe les séquelles de l’accident dans un jugement du 7 octobre 2008. Dans le cadre de la procédure, l’ONEm est intervenu volontairement, pour réclamer à l’assureur les allocations qu’il a payées.

Les périodes d’incapacité temporaire totale sont au nombre de trois.

L’entreprise d’assurances interjette appel, essentiellement sur la question de l’incapacité temporaire.

Position des parties devant la cour

L’assureur, appelant, demande à la cour de dire pour droit que ne doivent pas être retenues les périodes d’incapacité temporaire totale pendant lesquelles l’intéressée a émargé au chômage. Il considère que celles-ci ne sont pas à prendre en charge par lui.

Quant à la demande formée par l’ONEm, qui porte sur le remboursement de ses interventions, l’assureur demande à la cour de réformer le jugement, qui a fait droit à la demande de l’ONEm à cet égard.

En ce qui concerne l’employée, elle demande que soient mises à charge de l’assureur toutes les périodes d’incapacité de travail jusqu’à la date de la consolidation (à l’exception de brèves périodes de travail). Elle signale s’engager à rembourser à l’ONEm les allocations de chômage perçues avant cette date.

Quant à l’ONEm, il demande que le jugement soit confirmé et que l’assureur soit tenu de payer à l’intéressée les indemnités d’incapacité temporaire totale sous déduction des sommes payées par lui.

Décision de la cour du travail

La cour va essentiellement s’attacher à la détermination des périodes d’incapacité temporaire totale à prendre en charge par l’assureur, ainsi qu’au sort du remboursement de l’intervention de l’ONEm.

Sur les périodes d’incapacité temporaire, la cour retient celles fixées par le premier juge (modifiant cependant légèrement le point de départ de l’une et la date de fin d’une autre).

Elle se fonde sur l’article 22 de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail, qui fixe le mode d’indemnisation de l’incapacité temporaire consécutive à un accident.

La cour retient en premier lieu que l’assureur n’avance aucun élément médical à l’appui de sa contestation des périodes d’incapacité retenues par l’expert. La cour constate que celles-ci ont été fixées à partir de constatations de fait relatives à l’état de santé de l’intéressée, dont la capacité de travail a cependant été regagnée pendant des courtes périodes, où le travail a pu être repris. La cour considère que les conclusions de l’expertise sont claires à cet égard, sous réserve de légères corrections effectuées à partir de la vérification de dates de reprise du travail. Ceci justifie la légère modification de la durée de deux des périodes sur trois.

Ceci étant réglé, la cour répond à l’argumentation de l’assureur, qui considère que, pendant certaines périodes d’incapacité temporaire, il y a eu bénéfice des allocations de chômage, ce qui suppose nécessairement que l’employée serait apte au travail durant ces périodes.

La cour corrige cette façon de voir. En effet, la notion d’inaptitude au travail faisant obstacle à l’octroi d’allocations de chômage (visée par l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage – art. 60) ne correspond pas à la notion d’incapacité temporaire de travail dans la législation relative aux accidents du travail. La cour retient qu’en outre l’intéressée a été reconnue apte à un travail léger à partir d’une date déterminée alors qu’elle effectuait généralement un travail lourd (aide-sanitaire). En outre, la cour précise que, à supposer qu’une personne satisfasse à la fois aux conditions pour bénéficier d’allocations de chômage et à celles ouvrant le droit à des indemnités d’incapacité temporaire de travail dans le cadre d’un accident du travail, c’est le régime des accidents du travail qui est prioritaire. Cette règle gît dans l’article 61, §2, alinéa 1er de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, étant que le travailleur qui présente une incapacité temporaire de travail en suite d’un accident du travail ne peut bénéficier des allocations de chômage. Dès lors ce sont celles-ci qui doivent être refusées et non les indemnités journalières à charge de l’assureur.

Il en découle que, même si l’intéressée a perçu des allocations de chômage, ceci ne l’exclut pas du bénéfice de l’indemnisation dans le cadre de l’incapacité temporaire de travail.

Une période particulière, couverte par une indemnité compensatoire de préavis doit également subir le même sort et être indemnisée par l’assureur (la cour renvoyant ici à plusieurs arrêts de la Cour de cassation (dont Cass., 24 octobre 1994, R.G. S.930144.N).

Par ailleurs, en ce qui concerne la demande de l’ONEm de se voir rembourser les allocations de chômage, la cour considère que l’assureur ne peut y être condamné. En effet, les allocations de chômage ne sont certes pas cumulables avec les indemnités d’incapacité temporaire. La législation ne prévoit cependant pas le cas où les allocations de chômage ont été payées alors que le travailleur pouvait percevoir les indemnités journalières et la cour relève que l’article 61, §2, alinéa 1er de l’arrêté royal ne prévoit pas que l’ONEm serait subrogé dans les droits du travailleur à l’égard de l’assureur ni que celui-ci puisse être tenu, à un autre titre, de rembourser.

Quant à l’article 62, §2 de l’arrêté royal, qui prévoit l’octroi d’allocations de chômage à titre provisoire avec un mécanisme de remboursement, la cour relève qu’il ne s’applique qu’aux organismes assureurs dans le cadre de l’assurance soins de santé et indemnités.

Enfin, le mécanisme de subrogation du Code civil n’est pas davantage applicable en l’espèce, les conditions de la subrogation légale n’étant nullement réunies.

En conséquence, la demande de l’ONEm contre l’assureur n’est pas fondée mais l’intéressée devra rembourser les allocations perçues jusqu’à la date de la consolidation.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Bruxelles aborde ici une question parfois complexe : dans le cadre de l’incapacité temporaire consécutive à un accident du travail, la victime peut être amenée à se tourner vers l’un ou l’autre régime de sécurité sociale et notamment vers le secteur chômage. Ainsi, si après une période de travail (qui a interrompu l’incapacité) elle est licenciée et est susceptible à ce moment d’être à nouveau indemnisée dans le cadre de l’incapacité temporaire des suites de l’accident, vu son état de santé. Si la loi est claire en ce qui concerne l’intervention de la mutuelle et le droit pour celle-ci à être remboursée des prestations octroyées, le mécanisme est différent au cas où l’intéressé a bénéficié d’allocations de chômage pour des périodes devant généralement être couvertes par l’assureur. L’arrêt rappelle également ici que la situation est également distincte de celle où l’assuré social est admis au chômage dans l’attente d’une décision qui interviendrait en matière de soins de santé et indemnités.


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