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Pension de retraite de travailleur salarié : conditions de la preuve d’occupation ouvrant le droit à la pension de retraite

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 8 septembre 2011, R.G. 2010/AB/376 et 2010/AB/400

Mis en ligne le mardi 21 février 2012


Cour du travail de Bruxelles, 8 septembre 2011, R.G. 2010/AB/376 et 2010/AB/400

Dans un arrêt du 8 septembre 2011, la Cour du travail de Bruxelles rappelle la jurisprudence de la Cour de cassation concernant la preuve de l’occupation salariée donnant ouverture au droit à la pension de retraite.

Les faits

Un travailleur salarié sollicite le bénéfice de la pension de retraite et celle-ci est accordée par décision du 24 avril 2008 de l’O.N.P. La pension est fixée à environ 900 € par an. L’intéressé conteste, faisant valoir que certaines périodes d’activité ont été omises dans le calcul.

La décision du tribunal

Le Tribunal du travail de Bruxelles tranche par jugement du 23 mars 2010. Il considère que l’année 1979 doit être prise en compte à concurrence de 86 journées de travail et non 8 comme l’a fait l’O.N.P. Le tribunal s’appuie sur la production d’un bon de cotisations AMI relatif à cette année. Ce bon fait référence à 86 jours de travail, alors que le compte individuel CIMIRe ne retient que 8 jours.

Il examine successivement les diverses périodes vantées par l’intéressé, à savoir une période d’études universitaires (pour laquelle aucune demande n’a été introduite en paiement de cotisations de régularisation dans le délai réglementaire et qui ne peut dès lors être prise en compte), ainsi qu’une période d’activité pour le F.N.R.S. (pour laquelle seule une partie est retenue, étant celle ayant fait l’objet du versement de cotisations pour le régime des pensions).

Position des parties devant la cour

L’O.N.P. interjette appel, se fondant essentiellement sur l’article 32, § 1er de l’arrêté royal du 21 décembre 1967, relatif à la preuve de l’occupation ouvrant le droit à la pension de retraite. Pour la période postérieure au 31 décembre 1945, il s’agit de prouver, par tous documents, que les cotisations de pension ont été retenues ou que le travailleur peut bénéficier des assimilations légales prévues aux articles 34, 35 ou 36 du même arrêté.

L’intéressé doit dès lors apporter la preuve non seulement de l’exercice d’une activité professionnelle, mais bien du versement de cotisations destinées au secteur pension. Les bons de cotisations prouvent certes l’exercice de l’activité, mais ne couvrent que le secteur de l’assurance maladie-invalidité. Si les périodes couvertes par les bons de cotisations apparaissent également en général sur le compte individuel de pension, ce n’est pas toujours le cas et telle est bien la situation en l’espèce. Le bon ne peut dès lors servir à ouvrir des droits en matière de pension.

Quant à l’intéressé, il retrace l’ensemble de sa carrière et fait valoir qu’il avait à l’époque deux statuts différents, étant d’abord chargé de cours suppléant (relevant du secteur privé) et étant ensuite titularisé à partir du 4e trimestre de la même année (relevant ainsi du secteur public). Il considère, plus particulièrement, que l’O.N.P. devrait faire des démarches en vue de compléter l’exercice en cause.

Position de la cour

La cour rappelle que se pose ici une question bien circonscrite, étant que ce n’est pas l’activité elle-même qui est contestée, mais la preuve de celle-ci, au sens de l’arrêté royal du 21 décembre 1967, étant qu’est à établir par le demandeur d’un droit en matière de pension de retraite que les cotisations de pension ont été retenues sur la rémunération perçue. Et, à cet égard, en vertu de l’article 28 du même arrêté royal, toutes les rémunérations (réelles, fictives ou forfaitaires) doivent figurer aux comptes individuels tenus par l’organisme désigné par le Roi : c’est la CIMIRe. Or, celle-ci ne retient que 8 jours d’activité, correspondant à un versement de cotisations dans ce régime.

La cour rappelle ensuite, à propos du bon de cotisations AMI, sa propre jurisprudence (C. trav. Bruxelles, 1er mars 2000, Chron. Dr. Soc., 2001, p. 386), étant que la délivrance de ce bon ne prouve pas que des cotisations ont été retenues et transférées à l’O.N.S.S. dans le secteur des pensions. En conséquence, les années de carrière non couvertes par des versements dans ce secteur ne peuvent pas être prises en compte.

C’est également l’enseignement de la Cour de cassation, dans un arrêt du 9 novembre 2009 (Cass., 9 novembre 2009, S.080128.F), dont la cour du travail rappelle un très large extrait : le juge ne peut, pour la Cour suprême, constater que la preuve d’une occupation donnant ouverture au droit à la pension de retraite est établie par un extrait d’une fiche d’assurabilité établie par un organisme assureur du secteur de l’assurance contre la maladie et l’invalidité. En conséquence, le bon de cotisations AMI est impuissant à ouvrir un droit en matière de pension de retraite.

La cour examine, ensuite, le changement de statut de l’intéressé pendant l’année 1979 et les conséquences de celui-ci sur ses droits en matière de pension dans le secteur privé. La cour rappelle ici que l’O.N.P. n’est pas tenu de faire des recherches pour vérifier si le total des cotisations transférées correspond à la totalité de l’activité. La carrière doit être établie par l’assuré social lui-même.

Enfin, la discussion relative aux droits découlant de l’occupation pour le compte du F.N.R.S. est considérée, par la cour, comme irrecevable, dans la mesure où elle concerne un tiers à la cause.

Intérêt de la décision

Dans cet arrêt, la Cour du travail de Bruxelles est amenée à rappeler un principe de base en matière de pension de retraite : ne peuvent être prises en considération dans le calcul de la carrière que les périodes pour lesquelles des cotisations ont été versées dans le secteur des pensions (hors situations autres prévues par la réglementation). La preuve d’une occupation salariée avec cotisations dans un autre secteur de la sécurité sociale ne suffit pas.


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