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Echec ou arrêt fautif d’un plan d’accompagnement : une sanction peut-elle encore être infligée ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 2 avril 2008, R.G. 45.191/W

Mis en ligne le jeudi 2 février 2012


Cour du travail de Bruxelles, 2 avril 2008, R.G. 45.191W

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 2 avril 2008, la Cour du travail de Bruxelles rappelle qu’aucune sanction ne peut être prononcée en cas de refus, d’arrêt ou d’échec fautif d’un plan d’accompagnement vu l’illégalité de l’A.R. ayant introduit cette hypothèse de sanction. Par ailleurs, elle souligne que des réserves exprimées pour un emploi du soir n’emportent pas une indisponibilité pour un emploi de jour. La Cour refuse enfin de « réparer » les erreurs de procédure dans l’instruction du cas par l’ONEm.

Les faits

Mme D., chômeuse, suit, dans le cadre d’un plan d’accompagnement, des cours de néerlandais, se déroulant deux soirs par semaine (de 18h à 21h). Après quelque temps, elle demande à l’organisme de placement d’arrêter cette formation, n’ayant personne pour garder ses enfants, qui, expérience faite, ne peuvent être laissés sans surveillance.

Elle est alors auditionnée par l’ONEm, à qui elle expose les raisons de l’arrêt de la formation (contraintes liées à la surveillance des enfants). L’ONEm la sanctionne alors, estimant qu’elle est responsable de son chômage. Il se fonde sur l’article 51, § 1er, alinéa 2, 6° de l’A.R. du 25 novembre 1991 (introduit par un A.R. du 2 octobre 1992, non soumis à l’avis du Conseil d’état sans cependant que l’urgence ne soit invoquée). Cette nouvelle disposition érige « l’arrêt ou l’échec du plan d’accompagnement à cause d’une attitude fautive du chômeur » au titre de circonstances créant ou maintenant le chômage dépendant de la volonté du chômeur et prévoit une sanction spécifique.

Mme D. introduit un recours à l’encontre de cette décision.

La décision du tribunal

Le Tribunal annule la décision administrative, estimant que, vu les circonstances pertinentes épinglées par l’intéressée, il n’y a pas attitude fautive dans son chef.

La position des parties en appel

L’ONEm développe, en degré d’appel, une argumentation détaillée.

Il invoque tout d’abord que la question de la garde des enfants est un motif de convenance personnelle et qu’aucune impossibilité ne peut être retenue, ne s’agissant que de deux soirées par semaine. Il maintient donc l’existence d’une attitude fautive dans l’arrêt de la formation (faisant partie du plan d’accompagnement).

Quant à la légalité de l’arrêté royal ayant introduit l’arrêt ou l’échec fautif du plan d’accompagnement au titre de circonstance dépendant de la volonté du chômeur, l’ONEm s’en réfère à justice. Il soutient cependant que, vu l’absence de texte antérieur, l’on ne peut appliquer le texte.

A titre subsidiaire, il demandait à la Cour de contrôler la disponibilité de la chômeuse, sur la base de l’article 56 de l’A.R., substituant ainsi son contrôle à celui de l’ONEm (dont la décision – et la procédure administrative antérieure – ne porte pas sur cette disposition). Selon lui, les réserves exprimées, étant liées à la garde des enfants, démontrent une indisponibilité : si la travailleuse ne peut s’organiser 2 x 3h par semaine, elle ne pourra le faire pour un emploi.

Mme D. fait défaut.

La décision de la Cour

La Cour constate tout d’abord que les dispositions relatives à l’arrêt ou l’échec du plan d’accompagnement ont été introduites par l’A.R. du 2 octobre 1992, lequel n’a pas été soumis à l’avis préalable de la section administration du Conseil d’état, sans pour autant que l’urgence soit invoquée. Se fondant sur un arrêt de la Cour du travail de Liège du 6 janvier 2004 (disponible sur www.juridat.be), dont elle reproduit de large extraits et qui contient les principes applicables au cas de figure (concernant cependant l’A.R. du 9 mars 1999), la Cour écarte les dispositions introduites. Constatant qu’il n’existe pas de texte antérieur, elle décide qu’elle ne peut appliquer (ou confirmer) une sanction spécifique pour l’arrêt du plan d’accompagnement.

Elle relève ensuite que l’ONEm, de par son argumentation fondée sur l’article 56 de l’A.R. du 25 novembre 1991, lui demande d’exclure Mme D. du bénéfice des allocations à partir du 9 juillet 1998 (date à laquelle elle a émis ses réserves), sans préciser de date de fin, dès lors que l’intéressée n’a pas levé celles-ci.

Malgré l’argumentation déployée par l’ONEm sur l’étendue du contrôle judiciaire et les pouvoirs de substitution des juridictions du travail, la Cour refuse de suivre l’ONEm.

Elle précise que l’audition préalable à la décision querellée n’a porté que sur les raisons de l’arrêt de la formation (l’intéressée ayant par ailleurs confirmé sa disponibilité pour un emploi) et que la décision elle-même n’est pas fondée sur l’article 56 de l’A.R. du 25 novembre 1991, de sorte que Mme D. n’a pas pu lever les réserves en déclarant sa disponibilité à son organisme de paiement.

Par ailleurs, elle souligne qu’on ne peut déduire d’une éventuelle indisponibilité pour un travail du soir une indisponibilité pour un travail de jour.

La Cour retient en conséquence que l’ONEm ne pouvait sanctionner Mme D. ni sur la base de l’article 52bis ni sur celle de l’article 56.

Intérêt de la décision

L’une des conditions d’octroi des allocations de chômage est d’être privé de travail et de rémunération d’une manière involontaire. La réglementation prévoit un certain nombre de circonstances pour lesquelles il faut considérer que le chômage est volontaire. Parmi celles-ci, l’arrêt ou l’échec fautif d’un plan d’accompagnement.

L’arrêt confirme qu’aucune sanction ne peut être prononcée pour cette circonstance là, l’arrêté royal l’ayant introduite étant affecté d’un vice en relation avec l’avis du Conseil d’état. Vu le nombre de modifications de l’A.R. de base introduites par des arrêtés illégaux, l’on ne peut qu’inviter à une vérification systématique de la question.

Par ailleurs, l’arrêt confirme que l’ONEm, qui a pris une décision sur la base des dispositions relatives à l’arrêt ou à l’échec d’un plan d’accompagnement ne peut « récupérer » la situation en se fondant sur l’article 56.


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