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Personnel hospitalier : stress dû aux conditions de travail – accident du travail

Commentaire de C. trav. Mons, 26 avril 2011, R.G. 2010/AM/309

Mis en ligne le jeudi 2 février 2012


Cour du travail de Mons, 26 avril 2011, R.G. n° 2010/AM/309

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 26 avril 2011, la Cour du travail de Mons admet qu’il peut y avoir accident du travail dans le chef d’une infirmière qui a été soumise à un stress dû aux conditions de travail inhérentes à sa fonction.

Les faits

Une infirmière hospitalière prestant en salle de réveil doit faire face à un afflux important de patients, certains étant placés dans ce service en raison du manque de places. Infructueusement, elle demande du renfort à sa supérieure hiérarchique. Elle reprend le travail après une très courte pause de midi et reçoit encore la charge d’un patient supplémentaire. Elle fait alors un malaise et présente des douleurs précordiales intenses irradiant vers le bras gauche, la mâchoire et la nuque.

Elle doit être transportée au service des soins intensifs, où elle est soignée. Elle est hospitalisée pendant 2 jours.

Une déclaration d’accident du travail est rentrée. Suite à ces faits, elle va être hospitalisée une seconde fois, vu des nouvelles douleurs thoraciques.

L’accident du travail est refusé par son employeur, l’hôpital. Le motif du refus est l’absence d’événement soudain.

L’intéressée introduit un recours devant le Tribunal du travail de Mons, qui admet l’accident du travail par jugement du 16 juin 2010.

Position des parties en appel

Le CHU considère qu’il n’y a pas événement soudain. La description des faits porte sur la survenance d’une crise d’angor aigà¼e après une surcharge importante de travail et une accumulation de stress trop grande pour une seule personne. Le CHU considère que ces faits ne peuvent être retenus, s’étalant sur une durée trop longue.

L’infirmière sollicite, pour sa part, la confirmation du jugement, qui a admis que les faits en cause répondaient au critère de soudaineté.

La décision de la cour

La cour rappelle que les dispositions pertinentes de la loi du 3 juillet 1967 sont analogues à celles de la loi du 10 avril 1971, en ce qui concerne notamment la condition légale relative à l’événement soudain.

Pour ce qui est de la lésion, celle-ci n’est pas contestée en l’espèce et ressort dûment des éléments médicaux produits. La survenance des faits dans le cours de l’exécution du contrat de travail n’est pas davantage discutée.

La cour rappelle l’abondante jurisprudence concordante de la Cour de cassation sur cette question : pour conclure à l’existence d’un événement soudain, il y a lieu d’établir la survenance d’un élément particulier qui a pu causer la lésion. Celui-ci doit pouvoir être déterminé dans le temps et dans l’espace. Il s’agit dès lors d’un élément identifiable et identifié et qui peut consister dans l’exercice habituel et normal de la tâche journalière, à la condition que, dans celui-ci, un élément puisse être décelé, susceptible d’avoir produit la lésion. Cet élément ne doit pas se distinguer de l’exécution du contrat de travail. La cour rappelle notamment l’arrêt de la Cour de cassation du 13 octobre 2003 (Cass., 13 octobre 2003, Chron. Dr. Soc., 2044, p. 211), selon lequel un stress dû aux conditions de travail inhérentes à la fonction du travailleur peut constituer cet événement soudain. Elle revient également sur un arrêt déterminant rendu par la Cour de cassation le 28 avril 2008 (Cass., 28 avril 2008, Chron. Dr. Soc., 2009, p. 315), selon lequel la seule circonstance que la lésion soit apparue de manière évolutive au cours d’un événement non instantané n’exclut pas qu’il puisse y avoir événement soudain. Il s’agissait en l’espèce d’une position inconfortable prolongée ayant causé des lésions par surcharge. Le travailleur, dans cette espèce, avait été tenu de travailler pendant 5 heures dans une position inhabituelle et ceci avait entrainé l’apparition d’un flegmon.

Reprenant le commentaire de doctrine fait sous cet arrêt par P. PALSTERMAN (Chr. Dr. Soc., 2009, p. 316), la cour rappelle qu’il est couramment admis que l’accident ne s’entend pas nécessairement d’un événement instantané ni même de courte durée. Il doit seulement être localisable dans le temps et dans l’espace et être d’une durée relativement courte. La Cour de cassation a admis, dans cet arrêt, une durée de plusieurs heures.

Dans le cas d’espèce, vu la description des faits, la cour relève que les circonstances de l’accident sont conformes aux critères légalement requis, étant entendu que les faits visent le travail effectué par l’infirmière dans la salle de réveil, alors qu’elle a subi une surcharge importante de travail et une accumulation de stress trop grande pour une seule personne.

Pour la cour du travail, il y a lieu de confirmer le jugement.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Mons fait une très stricte application de la jurisprudence constante de la Cour de cassation en ce qui concerne les critères de l’événement soudain. Elle admet, dans un cas qui est loin d’être exceptionnel, s’agissant de personnel hospitalier, que le stress localisable dans le temps (apparemment plus d’une demi-journée de travail), dû à des conditions de travail elles-mêmes inhérentes à la fonction (surcharge de travail, nombre trop important de patients,…), peut constituer l’événement soudain requis par la loi – à la condition d’être dûment avéré.

Dans son arrêt du 28 avril 2008, la Cour de cassation avait d’ailleurs admis à la fois un événement non instantané (une position inconfortable pendant 5 heures) et l’apparition d’une lésion de nature évolutive (flegmon). Dans cet arrêt, la Cour de cassation a laissé au juge du fond le pouvoir d’appréciation de la durée admissible tout en respectant la condition de soudaineté.


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