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Le juge peut-il ordonner à l’employeur de modifier le document C4 ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 5 octobre 2011, R.G. 2011/AB/668

Mis en ligne le vendredi 13 janvier 2012


Cour du travail de Bruxelles, 5 octobre 2011, R.G. 2011/AB/668

Dans un arrêt du 5 octobre 2011, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les principes en matière de délivrance du C4, ainsi que les pouvoirs du juge eu égard aux mentions y figurant.

Rétroactes

Le litige dont la cour du travail est saisie concerne les mentions du document C4 délivré à l’occasion d’un licenciement. Les débats succincts ont été demandés, tant au niveau du tribunal que de la cour.

La décision du tribunal

Par jugement du 6 juin 2011, le Tribunal du travail de Bruxelles a condamné l’employeur, notamment à rectifier le document C4 « de manière équitable et en tenant compte du jugement intervenu », et ce sous une peine d’astreinte de 250 € par jour de retard à dater de la signification du jugement.

Ce jugement est signifié et la société interjette appel.

Position des parties devant la cour

La société considère que c’est à tort qu’elle a été condamnée à délivrer un formulaire C4 rectificatif. La société fait valoir que la délivrance d’un tel document ne peut être imposée à l’employeur, et ce même par décision judiciaire.

Elle introduit, à titre subsidiaire, une demande relative à l’astreinte. Elle considère avoir délivré un nouveau formulaire dans les délais et estime que le paiement d’une astreinte ne peut être demandé par l’employée, pour la raison que le motif du chômage indiqué ne lui conviendrait toujours pas.

L’employée demande la confirmation du jugement, considérant que le motif précis du chômage sur le premier C4 était inexact, étant qu’y figurent les termes « force majeure ».

Elle demande un motif qui ne soit pas handicapant pour son reclassement et fait valoir des réticences que pourraient invoquer des employeurs potentiels, eu égard aux difficultés révélées par ce motif de licenciement.

Sur les astreintes, elle maintient que celles-ci restent dues, malgré la délivrance d’un nouveau document C4 sur lequel la société a fait valoir comme motif précis du chômage « ne convient pas ». Pour elle, ce motif est incompatible avec la vérité judiciaire et elle demande qu’un motif plus général soit retenu (ainsi, « réorganisation »).

La demande de la condamnation à une astreinte malgré la délivrance du second C4 est fondée sur la circonstance qu’en utilisant ce nouveau motif, la société non seulement ne s’est pas conformée au prescrit du jugement, mais, par ailleurs, a agi envers elle de la manière la plus dommageable.

La décision de la cour du travail

Ce litige est l’occasion pour la cour de rappeler les principes en la matière.

L’obligation de délivrer les documents sociaux en fin de contrat est reprise à l’article 21 de la loi du 3 juillet 1978. En ce qui concerne plus particulièrement le C4, celui-ci est visé à l’article 137, § 1er, 1° de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 : ce certificat de chômage doit être remis d’initiative par l’employeur au plus tard le dernier jour du travail.

L’absence de délivrance peut entraîner des sanctions pénales. L’article 175 de l’arrêté royal prévoit en effet, à propos des déclarations à faire en matière d’indemnités et d’allocations, que l’employeur, son préposé ou son mandataire qui a refusé ou a omis d’établir, de délivrer ou de compléter les documents requis (dans les conditions et délais prescrits) peut être puni d’une peine d’emprisonnement ou d’amende. Il en va de même en cas de non-communication dans les délais impartis par l’inspecteur ou le contrôleur des renseignements nécessaires au contrôle du chômage et, encore, de la communication de renseignements inexacts ou incomplets. La cour précise qu’il s’agit ici des dispositions applicables avant l’entrée en vigueur du Code pénal social (1er juillet 2011). En outre, une amende administrative peut être infligée à l’employeur qui a commis une infraction à l’article 175 ci-dessus.

Il en découle que l’obligation de l’employeur, en vertu de ces diverses dispositions, est de délivrer un certificat de chômage lorsque le contrat prend fin.

La cour rappelle ici un arrêt de la Cour du travail de Liège (C. trav. Liège, 23 juin 2009, R.G. 8.670/2008), selon lequel l’employeur qui a satisfait à cette obligation ne peut se voir imposer de modifier le C4 ainsi délivré. C’est au travailleur qu’il incombe, lorsqu’il va solliciter le bénéfice des allocations de chômage, sur la base du C4 délivré, de signaler l’existence d’une erreur ou encore l’introduction par lui d’une action en vue d’obtenir une indemnisation de l’employeur (indemnité compensatoire de préavis ou indemnité pour abus de droit de licencier). La Cour du travail de Liège, citée par l’arrêt de la Cour du travail de Bruxelles, précise encore que le chômeur peut introduire une demande d’allocations même si le C4 ne lui a pas été remis, la réglementation prévoyant, dans cette hypothèse, de compléter un document C109. La demande d’allocations de chômage sera dès lors valable à la date de son introduction et pourra bénéficier d’une rétroactivité de 2 mois à la condition qu’elle ait été introduite dans les 2 mois après la fin du contrat.

Dès lors, il ne s’impose nullement de condamner l’employeur à délivrer un nouveau C4 si une ou plusieurs indications y figurant n’est (ne sont) pas conforme(s). C’est à la juridiction du travail, dans son jugement ou dans son arrêt, de fixer les droits du travailleur, la décision judiciaire tenant lieu de rectificatif.

Pour la Cour du travail de Bruxelles, l’obligation de l’employeur en ce qui concerne les renseignements à apporter sur le document C4 est passible, en cas de non-respect, de sanction pénale. Il s’agit de l’hypothèse où ne sont pas communiqués des renseignements exacts et complets.

En conséquence, les juridictions sociales ne peuvent, comme l’a fait le tribunal dans le jugement a quo, suggérer une autre formulation, par exemple plus générale ou moins handicapante pour le futur. Pour la cour, dès lors que l’employeur n’a pas licencié en raison d’une réorganisation, le jugement est illégal et doit être mis à néant.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la cour du travail, qui se limite à l’examen, dans le cadre des débats succincts, des pouvoirs du juge en matière de mentions figurant sur le C4, est très utile, la question se posant très régulièrement, en cas de mentions qui ne satisfont pas le travailleur. La cour y rappelle qu’il appartient à ce dernier, lorsqu’il va solliciter les allocations de chômage, d’exposer les circonstances du licenciement et, s’il échet, d’introduire une action en ce qui concerne le motif lui-même. Un C4 rectificatif n’est dès lors pas requis, la décision judiciaire s’imposant.


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