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Point de départ de l’indemnisation

Commentaire de C. trav. Liège, 21 octobre 2011, R.G. 2009/AL/36.364

Mis en ligne le mercredi 14 décembre 2011


Cour du travail de Liège, 21 octobre 2011, R.G. 2009/AL/36.364

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 21 octobre 2011, la Cour du travail de Liège statue définitivement dans une espèce où elle avait posé une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle relative au point de départ de l’indemnisation d’une maladie professionnelle, eu égard au délai de l’article 2277 du Code civil.

Les faits

Une demande est introduite en réparation d’une maladie professionnelle liée à une exposition au benzène (la profession exercée étant celle de mécanicien auto). Cette demande date du 31 juillet 2006 et le F.M.P. la refuse le 6 août 2007.

Un recours est introduit devant le Tribunal du travail de Liège, qui désigne un expert. L’expert fixe à la date du 16 mai 1991 le début de l’incapacité permanente.

En conséquence, le Tribunal du travail, dans son jugement statuant sur la réparation, renvoie à l’enseignement de la Cour constitutionnelle dans son arrêt 25/2007 du 30 janvier 2007 et fixe le point de départ au 16 mai 1991.

Position des parties devant la cour

Le Fonds conteste la conclusion du Tribunal, considérant que, en application de l’article 2277 du Code civil, il y a lieu d’appliquer la prescription quinquennale.

L’intimé sollicite confirmation du jugement, qui, pour lui, applique de manière stricte l’enseignement de la Cour constitutionnelle.

L’arrêt de la cour du travail du 7 mai 2010

La cour rend un arrêt interlocutoire en date du 7 mai 2010, saisissant la Cour constitutionnelle. Elle lui pose deux questions.

A supposer, d’abord, que l’article 2277 du Code civil soit applicable, la première question tend à déterminer si existerait une violation des articles 10 et 11 de la Constitution, en raison d’une différence de traitement entre les victimes d’une maladie professionnelle du secteur public ou privé, dans l’hypothèse où cette disposition serait interprétée en ce sens que le point de départ du délai quinquennal devrait être fixé aux dates d’échéance respectives des indemnités échues avant la décision judiciaire statuant sur la date de reconnaissance de la maladie professionnelle.

Par ailleurs, la cour renvoie également à l’existence d’une possible discrimination, vu le délai qui serait ainsi retenu, puisque l’article 20 de la loi du 3 juillet 1967 (secteur public) prévoit un délai de 3 ans pour l’action en paiement des indemnités.

L’arrêt de la Cour constitutionnelle n° 73/2011 du 12 mai 2011

Pour la Cour constitutionnelle, l’article 2277 du Code civil n’est manifestement pas applicable en l’espèce. La Cour constitutionnelle rappelle que la détermination de la date à partir de laquelle l’allocation annuelle est due, en réparation de l’incapacité de travail, n’est pas fixée par cette disposition mais par l’article 35, alinéa 2 des lois coordonnées, tel que modifié par l’article 33 de la loi du 29 avril 1996 portant des dispositions sociales. Cet article énonce que, lorsque l’incapacité de travail est permanente dès le début, une allocation annuelle de 100%, déterminée d’après le degré de l’incapacité permanente, est reconnue à partir du début de l’incapacité. Toutefois, l’allocation prend cours au plus tôt cent-vingt jours avant la date d’introduction de la demande.

Cette disposition contient à la fois le principe et l’exception à celui-ci. Cette seconde partie de la disposition a cependant été considérée par arrêt du 30 janvier 2007 (C. const., 30 janvier 2007, arrêt n° 25/2007) comme violant les articles 10 et 11 de la Constitution.

La Cour constitutionnelle en conclut qu’afin de se confirmer à cet arrêt, les juridictions doivent décider de ne pas appliquer cette partie de la disposition législative, vu le constat d’inconstitutionnalité et l’absence de modification ultérieure. La Cour précise encore que ce constat de violation fait dans l’arrêt du 30 janvier 2007 ne concerne pas la première partie de cette disposition, de telle sorte qu’elle est applicable. L’allocation annuelle est dès lors reconnue à partir du début de l’incapacité permanente de travail et il n’est pas possible de déroger à ce principe en limitant cette reconnaissance dans le temps.

L’arrêt de la cour du travail

La cour du travail reprend cette conclusion de la Cour constitutionnelle et elle en conclut, toujours en application de l’article 35, alinéa 2 des lois coordonnées le 3 juin 1970, que, vu l’inapplicabilité de l’article 2277 du Code civil à la matière, le demandeur originaire peut prétendre aux indemnités à partir du début de l’incapacité permanente. Celle-ci a été fixée par l’expert à la date du 16 mai 1991 et c’est celle-ci qui doit être retenue.

La cour va encore examiner un appel incident introduit par le demandeur en réparation, relatif à l’application de la méthode de calcul de la rémunération de base, telle qu’introduite par la loi du 13 juillet 2006 (article 36). La cour rappelle qu’avant cette modification législative, qui a été apportée dans l’article 49, alinéa 3 des lois coordonnées, la rémunération de base était déterminée par rapport à la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail, dont l’article 34 dispose qu’il faut entendre par là la rémunération à laquelle le travailleur a droit pour l’année qui a précédé l’accident. La modification législative dans le secteur des maladies professionnelles a impliqué que cette référence à l’article 34 soit modifiée en tenant compte de la rémunération à laquelle le travailleur avait droit pour la période des quatre trimestres complets précédant la demande, en raison de la fonction exercée dans l’entreprise. La cour rejette cet argument, au motif que la nouvelle méthode de calcul n’était pas encore en vigueur à la date d’introduction de la demande.

Intérêt de la décision

Dans son arrêt du 12 mai 2011, la Cour constitutionnelle a été catégorique quant à la non-application de l’article 2277 du Code civil au secteur des maladies professionnelles, eu égard aux dispositions spécifiques des lois coordonnées.

La question est dès lors claire, depuis les deux arrêts rendus par cette Cour : l’indemnisation est due à dater du début de l’incapacité permanente telle qu’elle est dûment constatée.


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