Terralaboris asbl

Non présentation à une convocation au FOREM : notion de « justification suffisante »

Commentaire de C. trav. Mons, 9 septembre 2010, R.G. 2009/AM/21.559

Mis en ligne le lundi 12 décembre 2011


Cour du travail de Mons, 9 septembre 2010, R.G. n° 2009/AM/21.559

TERRA LABORIS ASBL

Dans un arrêt du 9 septembre 2010, la Cour du travail de Mons rappelle d’une part les exigences en matière de motivation formelle à respecter par une décision administrative et d’autre part la notion de « justification suffisante » au sens de la réglementation chômage.

Les faits

Un assuré social est exclu sur pied des articles 51 et 52bis de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 pour une période de 17 semaines. Il lui est reproché de ne pas avoir donné suite à deux convocations lui adressées par voie recommandée afin de se rendre au service du FOREM, les explications données lors d’une audition ultérieure n’étant pas considérées comme une justification suffisante. L’ONEm considère que l’intéressé est devenu chômeur par suite de circonstances de sa volonté au sens de la réglementation et lui applique la sanction ci-dessus, tenant compte des circonstances invoquées lors de son audition ; s’agissant d’un stage d’attente, l’ONEm précise qu’il n’y a pas prolongation.

La position du tribunal du travail

L’intéressé introduit un recours devant le Tribunal du travail de Tournai, contestant d’une part la motivation et d’autre part la justification de la décision administrative.

Le tribunal va annuler la décision prise en toutes ses dispositions et rétablir l’assuré social dans l’intégralité de ses droits tels que reconnus avant la décision litigieuse.

Position des parties en appel

L’ONEm considère que les explications de l’intéressé ne constituent pas une justification suffisante. Il a reçu deux convocations auxquelles il ne s’est pas présenté et pour lesquelles il a donné des explications :

  • pour la première, il dit avoir consulté un spécialiste à Gand : l’ONEm la considère tardive et insuffisamment probante ;
  • pour la seconde, il dit avoir des troubles de mémoire : l’ONEm estime que les documents médicaux produits n’établissent pas ceux-ci à suffisance.

L’intéressé considère, quant à lui, qu’il y a défaut de motivation suffisante et qu’il établit, tant pour la première que pour la seconde convocation, les justifications requises. Il fait également valoir qu’il a recherché activement un emploi et que, de manière générale, il répond aux convocations.

La position de la cour du travail

Suite à l’appel interjeté par l’ONEm, la cour du travail est saisie de l’ensemble du litige.

La cour va d’abord reprendre les principes en matière de motivation formelle, essentiellement eu égard à l’objectif de cette obligation, qui est d’informer l’administré, alors même que la décision n’est pas attaquée, des raisons pour lesquelles elle a été prise. Ceci permet à l’assuré social d’apprécier s’il y a lieu d’introduire un recours. Il s’agit d’une garantie supplémentaire contre les actes administratifs de portée individuelle qui pourraient être arbitraires.
Un second objectif de la loi du 29 juillet 1991 est de renforcer le contrôle juridictionnel sur ces actes.

Après avoir rappelé l’exigence d’une référence expresse aux dispositions légales ainsi que l’obligation de rappeler l’ensemble des faits qui déclenchent l’application de la règle et le raisonnement qui a abouti à la décision (raisonnement qui doit être clair), la cour reprend encore les sanctions attachées à l’absence d’une motivation adéquate, vu son caractère substantiel : c’est la nullité de la décision, l’illégalité constatée ne pouvant être couverte ultérieurement.

La cour va, ensuite, constater que, en l’espèce, des éléments sont tout à fait erronés, l’intéressé n’ayant pas pu comprendre les motifs légaux et les objectifs sous-tendant la décision litigieuse (erreurs de date, …). En conséquence, la cour annule la décision.

Elle se saisit, par conséquent, de la contestation globale, s’appuyant sur l’article 580, 2e du Code judiciaire.

Elle rappelle ensuite qu’en matière de sécurité sociale, l’objet de la contestation n’est pas la décision administrative elle-même mais les droits et obligations du destinataire de l’acte administratif. Dans les matières ne relevant pas d’une compétence discrétionnaire de l’administration, le contrôle du juge n’est pas le contrôle marginal de légalité, celui-ci statuant sur les droits subjectifs qui sont l’objet de la décision.

Quant à l’étendue du contrôle judiciaire, le fait que la partie n’ait demandé au juge que l’annulation de la décision ne suffit pas à limiter le pouvoir du juge à cette seule question. Reprenant la doctrine (J.-F. NEVEN et S. GILSON, « La motivation des décisions des institutions de sécurité sociale à l’égard des employeurs et des assurés sociaux », Ors., 10/2009, pp. 4 & 5), la cour rappelle que tel ne pourrait être le cas que s’il s’agit de la volonté explicite de la partie en cause.

La cour va dès lors statuer sur l’ensemble des conditions d’octroi de l’intéressé aux allocations.

Elle constate qu’aucun texte réglementaire ne définit la notion de « justification suffisante » au sens de la réglementation de chômage (articles 51, § 1er, alinéa 2, 4° et 52bis, §1er, 2°, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991). Aucun critère n’est non plus donné par le texte.

La cour considère cependant qu’une piste de réflexion peut être vue dans l’accord de coopération du 3 mai 1999 entre l’Etat, les Communautés et les Régions (annexe 2) concernant le plan d’accompagnement des chômeurs, où il est fait référence à des « motifs valables ». En vertu de l’annexe 2, si le chômeur ne se présente pas à une convocation (entretien en vue d’un placement, séance d’information, épreuve de qualification professionnelle, …), il est reconvoqué. En cas de nouvelle absence, il y a information à l’ONEm. S’il se présente, il est invité à exposer les motifs de son absence et, si ces motifs ne sont pas valables, la même information est donnée à l’ONEm.

Une indication est donnée quant à l’appréciation des motifs valables ou non, étant que l’appréciation doit se faire en tenant compte des principes de la réglementation de chômage en matière de disponibilité positive sur le marché de l’emploi et en conformité avec les obligations découlant de l’inscription obligatoire comme demandeur d’emploi. S’y ajoutent d’autres critères découlant d’actions spécifiques prévues notamment dans les accords de coopération menés par les services, et ce afin de développer les chances et capacités personnelles d’insertion des chômeurs.

La cour estime que ces critères d’appréciation peuvent être transposés à la notion de « justification suffisante » : l’on peut donc tenir compte non seulement des éléments objectifs sérieux et concrets établis mais également de la disponibilité positive du chômeur, c’est-à-dire des efforts de réinsertion qu’il fournit (recherche active d’emploi, collaboration avec le service de l’emploi en vue d’augmenter ses chances et ses capacités personnelles d’insertion).

Examinant, ensuite, en détail les motifs invoqués pour la non présentation aux deux convocations, la cour relève que sont présents les éléments objectifs, sérieux et concrets exigés et que, en outre, l’intéressé a effectué des démarches concrètes en vue de retrouver un emploi.

Il y a dès lors justification suffisante.

Intérêt de la décision

L’intérêt de cet arrêt du 9 septembre 2010 de la Cour du travail de Mons réside, très certainement, dans la recherche d’une définition utile de la notion de « justification suffisante », notion examinée à partir de l’objectif général de la réglementation, de la politique des services et de l’attitude du chômeur.

Cette définition a le mérite de fixer des critères de référence, permettant ainsi d’éviter les appréciations subjectives.


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