Terralaboris asbl

Soins de santé et indemnités – récupération d’indu auprès des héritiers

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 22 septembre 2011, R.G. 2009/AB/52.653

Mis en ligne le lundi 5 décembre 2011


C. trav. Bruxelles, 22 septembre 2011, R.G. n° 2009/AB/52.653

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 22 septembre 2011, la Cour du travail de Bruxelles rappelle dans quelle proportion des héritiers, ayant accepté la succession de leur ayant cause, sont tenus de contribuer au remboursement d’un indu réclamé par un organisme assureur.

Les faits

Un assuré social bénéficie d’indemnités d’incapacité de travail et, ensuite, d’invalidité. Une enquête est menée, dans le cadre de laquelle est découverte une activité de boulanger exercée à l’étranger (soit dans le pays natal), activité non signalée à l’organisme assureur. Le médecin-inspecteur de l’INAMI considère que cette activité est une reprise spontanée du travail et qu’elle a ainsi mis fin à l’incapacité de travail.

Dans ses explications, l’intéressé expose avoir fait construire une maison dans son pays natal, ainsi qu’un four à pain : celui-ci est destiné à la cuisson du pain des voisins. Il s’agit d’une tradition et si la patente et le permis d’exploiter sont à son nom, il déclare ne jamais avoir perçu de revenus du fait de cette activité, dont il conteste d’ailleurs qu’il s’agisse d’une activité au sens de la réglementation.

Un indu est réclamé et une procédure est introduite par l’organisme assureur, vu le non remboursement.

L’intéressé décèdera, en cours de procédure.

Procédure devant le premier juge

L’organisme assureur identifie trois des héritiers (enfants) en Belgique et demande leur condamnation solidaire, in solidum ou de l’un à défaut de l’autre. Le montant réclamé est de l’ordre de 45.000€.

Le tribunal du travail considère la demande non fondée, au motif que l’exercice d’une activité professionnelle ne serait pas établie.

Position des parties en appel

L’organisme assureur considère apporter, en degré d’appel, la preuve d’une reprise d’activité commerciale au sens de la réglementation : il s’agit de la construction d’un four à pain sur un terrain appartenant à l’intéressé, avec paiement d’une patente et exigence d’un permis d’exploitation. En outre, l’intéressé avait fait une demande de déclaration d’immatriculation au registre du commerce de l’endroit d’exploitation, et ce comme exploitant de boulangerie et fabricant de pâtisseries.

La cour en déduit sur la base des présomptions de l’homme qu’il y avait exercice d’une activité commerciale. L’action est dès lors fondée en son principe.

Les héritiers objectent que la demande serait prescrite, s’agissant de récupérer des prestations pour une période remontant à 1994 (26 avril 1994 – 31 mai 1997). La cour retient cependant la prescription de 5 ans, étant qu’il s’agit plus que d’une simple négligence, en l’espèce. L’intéressé avait dans un premier temps contesté l’activité et ce n’est que lorsqu’elle a été établie - notamment par la preuve produite en appel de l’immatriculation de l’activité - que celle-ci est devenue incontestable. Il s’agit non d’une simple omission mais d’une volonté délibérée de cacher l’exercice d’une activité lucrative, et ce aux fins de continuer à bénéficier d’indemnités auxquelles l’intéressé n’avait pas droit.

La prescription a par ailleurs été interrompue par la requête introductive et cette exception ne peut dès lors être retenue.

Mais les trois héritiers entendent encore faire valoir l’irrecevabilité de la demande mue à leur égard, c’est-à-dire par citation en reprise d’instance, et ce vu le caractère indivisible de la masse successorale. Ils sont, en effet, les enfants d’un premier mariage et, au moment du décès, la contestation relative à l’existence de la dette était toujours en cours, ce qui aurait dû amener l’organisme assureur à mettre à la cause les autres héritiers, étant la seconde épouse du défunt ainsi que neuf enfants.

Décision de la cour du travail

La cour rappelle les principes contenus aux articles 815 et 816 du Code judiciaire, étant que la dénonciation du décès est une cause d’interruption de la procédure et que l’acte de reprise d’instance émanant d’un héritier ou la citation en reprise d’instance donnée à la requête de toute partie va entraîner la reprise de celle-ci. La cour relève que pour l’organisme assureur il est et reste d’ailleurs malaisé d’identifier l’ensemble des héritiers, la succession s’étant d’ailleurs ouverte à l’étranger. En Belgique se trouvent trois des neuf enfants et, vis-à-vis de ceux-ci, la citation a précisé que l’organisme assureur entend poursuivre contre eux la procédure mue précédemment contre leur père. La cour en déduit qu’il pouvait valablement citer ceux-ci, dûment identifiés comme héritiers. Une action pouvait dès lors être lancée contre chacun d’eux sans devoir mettre à la cause les autres héritiers.

La cour rappelle cependant que, entre héritiers tenus au paiement des dettes successorales, il n’y a ni solidarité ni obligation de garantie et que l’on ne peut agir contre eux que pour leur part dans la succession. Ils sont tenus uniquement à concurrence de celle-ci et non chacun pour le tout.

Leur condamnation peut dès lors être prononcée, ainsi que sollicité à titre subsidiaire, c’est-à-dire que chacun est tenu pour sa « seule » part dans la succession de leur père.

Dans la mesure où l’organisme assureur ne demande pas à la cour de déterminer cette part, celle-ci n’y procède pas et conclut en substance que : (i) le fait à la base de l’action en récupération est établi, (ii) l’action en récupération n’est pas prescrite, (iii) les montants réclamés sont dûment justifiés (et ne sont d’ailleurs pas contestés comme tels) et (iv) les intimés doivent être condamnés à payer chacun pour leur part dans la succession.

Intérêt de la décision

La cour du travail fait ici un judicieux rappel des obligations en matière de récupération d’indu adressée aux héritiers d’un débiteur : il ne peut y avoir condamnation solidaire ou in solidum, mais uniquement condamnation de chacun pour sa part dans la succession.


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