Terralaboris asbl

Etudiants : conditions du droit au revenu d’intégration en cas de non-respect du P.I.I.S. et obligations du C.P.A.S.

Commentaire de C. trav. Liège, sect. Namur, 23 août 2011, R.G. 2010/AN/191

Mis en ligne le mercredi 16 novembre 2011


C. trav. Liège, (sect. Namur), 23 août 2011, R.G. n° 2010/AN/191

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 23 août 2011, la Cour du travail de Liège (section de Namur) rappelle les obligations du C.P.A.S. et d’un étudiant bénéficiaire du revenu d’intégration sociale, dans le cadre d’un projet individualisé d’intégration. La cour insiste particulièrement sur les obligations du C.P.A.S. sur le plan du soutien et de l’accompagnement de l’étudiant, dans le cadre des difficultés que celui-ci peut rencontrer.

Les faits

Une étudiante, domiciliée à Zaventem, suit des cours dans une école secondaire (option tourisme) à Namur. Elle demande le revenu d’intégration au C.P.A.S. de Zaventem et l’obtient. Un projet individualisé d’intégration sociale est conclu, comprenant l’obligation pour elle de trouver un travail les week-ends et vacances scolaires, de suivre les cours et de fournir les efforts nécessaires pour réussir ses études. Au fil de celles-ci, la situation est régulièrement modifiée et, dans le courant du mois de septembre 2008, le C.P.A.S. supprime le revenu d’intégration, au motif du non-respect des conditions du projet, étant essentiellement l’information donnée tardivement quant aux résultats des examens, l’absence de travail de vacances et l’échec scolaire. L’année scolaire 2008-2009 est cependant réussie, ainsi que l’année suivante. L’intéressée sera, ensuite, à charge du C.P.A.S. de Namur, n’étant plus étudiante.

A la même époque (2008), le C.P.A.S. de Namur a également refusé le droit au revenu d’intégration, au motif que l’intéressée n’établissait pas être étudiante, son dossier étant incomplet.

La décision du tribunal

Le Tribunal du travail de Namur est saisi et rend un premier jugement le 27 mars 2009, par lequel il déclare compétent le C.P.A.S. de Zaventem et le condamne à payer le revenu d’intégration au taux isolé. Il ordonne une réouverture des débats et, par second jugement du 8 octobre 2010 (jugement dont appel), il considère qu’en cas de non-respect du P.I.I.S., la sanction prévue par l’article 30, § 2 de la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l’intégration sociale ne prévoit pas la suppression du revenu d’intégration mais sa suspension pour un mois au maximum.

Le C.P.A.S. ayant également tiré argument des échecs répétés et du non-respect de la condition d’octroi de disposition au travail, le tribunal fait grief au C.P.A.S. de ne pas avoir apporté un soutien scolaire suffisant à l’intéressée et de ne pas avoir procédé aux évaluations régulières autorisées par la loi. Il considère dès lors que l’étudiante avait droit au revenu d’intégration sociale et condamne le C.P.A.S. au paiement de celui-ci. En outre, vu le retard apporté par le C.P.A.S. à l’exécution du premier jugement rendu, le tribunal constate que l’intéressée est restée à deux reprises sans revenu pendant des mois et qu’il y a faute, faute que le C.P.A.S. est tenu de réparer à concurrence de 500 € au titre de dommage moral.

Position des parties devant la cour

Le C.P.A.S. de Zaventem interjette appel de la décision rendue, faisant grief au premier juge de ne pas avoir suivi sa thèse, dans laquelle il demandait d’ailleurs, à titre reconventionnel, remboursement d’une somme de l’ordre de 13.000 € versée au titre de revenu d’intégration. A titre subsidiaire, il demande de limiter la condamnation à la date du 30 juin 2010. Il conteste, enfin, avoir commis une faute dans la gestion du dossier.

L’assurée sociale forme quant à elle appel incident, sur le revenu d’intégration du mois d’août 2008, ainsi que sur les intérêts légaux. En ce qui concerne le préjudice, elle entend que celui-ci soit porté à 1.500 €, faisant valoir, suite à l’absence de guidance, la perte de deux années d’études, et ce outre la non-exécution du jugement assorti de l’exécution provisoire.

La décision de la cour

La cour du travail commence par rappeler les dispositions de la loi du 26 mai 2002 applicables aux majeurs de moins de 25 ans. Il s’agit des articles 6, 10, 11, 20 et 30 de la loi, ainsi que des articles 7, 11, 15 et 21 de l’arrêté royal du 11 juillet 2002 portant règlement général en matière de droit à l’intégration sociale.

Il ressort du mécanisme légal, pour la cour, que la conclusion d’un contrat contenant un projet individualisé d’intégration sociale est, pour le jeune scolarisé suivant des études de plein exercice, une condition d’octroi. Le revenu peut être retiré à certaines conditions, mais la cour souligne qu’il convient de distinguer l’hypothèse où les conditions d’octroi ne sont pas remplies (ce qui peut aboutir au retrait de l’octroi) et celle où les obligations insérées dans le contrat ne sont pas respectées (ce qui peut entraîner une sanction de suspension temporaire du revenu). La cour rappelle aussi que le C.P.A.S. a des engagements, dans le cadre de ce projet individualisé, étant le soutien à apporter à l’intéressé pour lui permettre de construire son avenir, son équilibre et d’assumer au mieux ses responsabilités d’adulte et, éventuellement, de parent. En outre, le contrat doit faire l’objet d’une évaluation régulière, au moins une fois par trimestre.

Sur le plan de la procédure, lorsqu’une sanction est envisagée, le C.P.A.S. est tenu d’auditionner l’intéressé et de le convoquer, et ce en respectant les formes requises, modalité précisée à la fois dans la loi et dans l’arrêté royal et qui est inhérente au respect des droits de défense. Ainsi, en l’occurrence, il était reproché à l’étudiante de ne pas avoir fourni des documents et la cour relève que, si elle avait été convoquée pour une audition officielle avec menace de sanction, cet oubli ou cette négligence aurait pu être réparé(e). La décision prise, consistant dans une suppression du revenu, est désastreuse, comme le relève la cour, si l’intéressée ne dispose pas de ressources – ce qui est, en principe, le cas en l’espèce.

La cour souligne enfin que la loi opère encore une distinction entre l’audition elle-même, telle qu’envisagée ci-dessus, et les entretiens avec, éventuellement, le travailleur social, entretiens pour lesquels il y a également convocation. Dans le premier type d’audition, étant celle qui va précéder la décision débouchant sur une suppression ou une suspension du droit, la sanction est la nullité de la décision prise.

La cour va alors examiner, au regard de ces principes, les éléments de l’espèce et constater que, même s’il y a des manquements dans le chef de l’étudiante, le C.P.A.S. aurait dû veiller à remplir sa mission et à satisfaire ses propres obligations. Il aurait ainsi eu connaissance d’éléments perturbants qui ont empêché la jeune femme de remplir ses propres obligations. Dans la série de difficultés rencontrées par celle-ci (absence de paiement de loyers, expulsion, échec), le C.P.A.S. ne s’est pas inquiété des raisons et difficultés à la base de tous ces avatars. Et la cour de relever que les manquements de l’intéressée auraient certes pu être sanctionnés, mais après une audition et ainsi faire l’objet d’une suspension temporaire. Celle-ci ne peut cependant être ordonnée par le juge.

La cour examine ensuite les hypothèses où est autorisée, au motif d’études, une dispense de disponibilité. Les motifs permettant de ne pas satisfaire à cette condition sont les raisons de santé ou d’équité, ainsi que repris à l’article 3 de la loi. Au C.P.A.S. qui fait valoir que l’intéressée n’était pas apte à suivre des études vu ses échecs scolaires successifs, la cour rappelle que le critère de l’aptitude à réussir les études est certes essentiel mais que, dans le cas où une personne ne remplit pas la condition d’aptitude au regard des études poursuivies mais où elle manifeste une volonté forte et déterminée de poursuivre des études, le C.P.A.S. doit la soutenir dans le choix d’une formation qualifiante et adaptée à ses capacités, et ce d’autant plus si elle ne dispose que d’une faible qualification, qui va représenter un handicap certain sur le marché du travail. La cour constate qu’il n’y a pas en l’espèce incapacité à poursuivre des études, susceptible de constituer une inaptitude, puisqu’en fin de compte, l’intéressée les a réussies malgré les échecs enregistrés et, s’agissant d’études secondaires, la cour retient que celles-ci sont un minimum pour accéder au marché de l’emploi.

Enfin, la cour réserve quelques développements à la responsabilité du C.P.A.S., qui doit remplir sa mission en bon père de famille et, reprenant l’esprit de la loi, elle rappelle que, le contrat n’étant pas unilatéral, la position du premier juge quant aux fautes sur le plan de l’absence de l’accompagnement et de soutien, doit être confirmée. Le montant du dommage moral l’est également.

Intérêt de la décision

Cette décision de la Cour du travail de Liège, rendue dans l’hypothèse spécifique du droit à l’intégration sociale dans le chef des étudiants de moins de 25 ans, analyse les règles relatives au projet individualisé d’intégration sociale et, rappelant le principe à la base de la loi du 26 mai 2002, qui impose des obligations aux deux parties au contrat, la cour définit les obligations du C.P.A.S. dans le cadre de l’accompagnement et du soutien des étudiants bénéficiaires du revenu d’intégration pendant leurs études.


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