Terralaboris asbl

Recouvrement de montants versés indûment au titre de pension de survie : quel délai de prescription ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 23 mars 2011, R.G. 2010/AB/69 et 2010/AB/72

Mis en ligne le mardi 25 octobre 2011


Cour du travail de Bruxelles, 23 mars 2011, R.G. n° 2010/AB/69 et n° 2010/AB/72

Terra Laboris asbl

Dans un arrêt du 23 mars 2011, la Cour du travail de Bruxelles

Les faits

Une dame F., bénéficiaire d’une pension de survie, déclare (en 1993) à l’ONP travailler dans les limites autorisées.

Pour l’année 2004, le plafond d’activité autorisée est dépassé de plus de 15%, l’intéressée expliquant qu’il y a eu relèvement des barèmes au niveau sectoriel et régularisation tardive.

Il s’avère qu’existe également un dépassement pour l’année antérieure.

L’ONP réclame dès lors les montants versés au titre de pension et signale faire application du délai de prescription de cinq ans. Une demande de renonciation à la récupération de l’indu est introduite mais est rejetée.

Un recours est formé devant le tribunal du travail de Nivelles qui, par jugement du 18 décembre 2009, le déclare non fondé.

Décision de la cour du travail

Saisie de l’appel de la bénéficiaire de pension, qui fait valoir la variabilité imprévisible des revenus en cause et demande, subsidiairement, l’application d’un délai de prescription de six mois, la cour du travail est amenée à réexaminer, dans une telle situation, les règles en matière de prescription du recouvrement.

Après avoir constaté que, pour l’année 2003, le dépassement était largement supérieur à 15%, de sorte que la suspension complète du paiement de la pension se justifiait, la cour rejette l’argument de l’intéressée relatif à l’imprévisibilité liée à l’entrée en vigueur de nouveaux barèmes de rémunération. Selon la réglementation, l’incidence d’un dépassement n’est en effet pas conditionnée par sa prévisibilité et toute situation dans laquelle le plafond est dépassé doit être prise en compte.

Il n’y a dès lors pas lieu, pour la cour à remettre en cause l’indu et seul est à examiner compte le délai de prescription applicable.

La loi du 3 juillet 1966 relative à la pension de retraite et de survie des travailleurs salariés et assimilés telle qu’en vigueur jusqu’au 1er janvier 2006 prévoyait un délai de prescription de six mois pour la répétition de l’indu, délai à compter de la date à laquelle le paiement avait été effectué. Ce délai se trouve porté à cinq ans en cas de manœuvres frauduleuses ou de déclarations fausses ou sciemment incomplètes. La disposition légale (art. 21, § 3) ajoute qu’il en va de même en ce qui concerne les sommes payées indûment par suite de l’abstention du débiteur de produire une déclaration prescrite par une disposition légale ou réglementaire ou encore résultant d’un engagement souscrit antérieurement.

Le délai maximum de prescription a été réduit de cinq ans à trois ans à partir du 1er janvier 2006 par la loi du 27 décembre 2005 portant des dispositions diverses. En l’espèce, cependant, les paiements sont intervenus en 2003 et la décision a elle-même été notifiée en janvier 2005, de telle sorte que ces dispositions nouvelles sont, pour la cour, inapplicables.

La cour rappelle que, en matière de prescription, lorsqu’une loi - même d’ordre public - fixe un délai plus court que celui qui était fixé par la législation antérieure, le délai ne commence à courir, si le droit à l’action est né avant l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, au plus tôt qu’à partir de cette entrée en vigueur, ceci ne faisant pas obstacle à la prescription déjà acquise conformément à l’ancienne règle et sauf volonté contraire du législateur. C’est la jurisprudence de la Cour de cassation (la cour citant notamment Cass., 24 décembre 1997, Pas., 1997, I, n° 47). La cour relève cependant qu’avant cette modification légale, la jurisprudence était loin d’être unanime en ce qui concerne le délai de prescription applicable, notamment, dans l’hypothèse d’un dépassement fortuit à la faveur de la perception d’un pécule de vacances, des décisions considérant par ailleurs que l’argument à retenir est que toute personne qui sait n’avoir plus droit à l’intégralité d’une subvention, indemnité ou allocation est tenue d’en faire la déclaration (thèse fondée sur les dispositions de l’arrêté royal du 31 mai 1933).

En l’espèce, la cour constate qu’une déclaration a été souscrite par l’intéressée en 1993, soit peu après avoir commencé à bénéficier de cette pension de survie. Elle a pris, à ce moment l’engagement de déclarer toute modification qui interviendrait dans l’exercice de son activité professionnelle et des revenus qui en découleraient. Pour la cour, il serait déraisonnable de considérer que, par cette déclaration, l’intéressée devait signaler toute majoration de sa rémunération aussi minime soit-elle et la cour se réfère au titre d’exemple à l’hypothèse d’une indexation. Examinant les chiffres, elle constate que l’intéressée avait été très attentive à rester dans les limites du plafond mais qu’à un moment donné, elle devait manifestement avoir constaté qu’il y avait dépassement, vu que celui-ci était parfaitement visible. Il ne s’agissait dès lors pas d’un dépassement fortuit comme elle le plaidait et, en conséquence, la cour applique le délai de prescription de cinq ans.

Intérêt de la décision

Cette décision rappelle d’une part la réduction du délai maximum de prescription en cas de dépassement du plafond de revenus autorisés, et ce depuis le 1er janvier 2006, délai actuellement de trois ans au maximum. Le cas d’espèce est antérieur et la cour y considère qu’à partir du moment où la pensionnée pouvait s’attendre à un dépassement significatif du plafond, il y avait prévisibilité et qu’elle était tenue, dès lors, d’aviser l’ONP de sa nouvelle rémunération aussitôt. En n’ayant pas signalé la situation nouvelle, la personne - qui a signé un engagement par lequel elle informerait l’ONP de toute modification dans l’exercice de son activité professionnelle et dans les revenus qui en découlent - a manqué à son obligation et peut se voir, en conséquence, appliquer la règle de prescription la plus longue.


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