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Qu’est-ce que le chômage économique ?

Commentaire de Trib. trav. Mons, sect. La Louvière, 27 juillet 2011, R.G. 10/2518/A, 10/3115/A et 11/1506/A

Mis en ligne le mardi 25 octobre 2011


Tribunal du travail de Mons, Section de La Louvière, 27 juillet 2011, R.G. n° 10/2518/A – 10/3115/A & 11/1506/A

Terra Laboris asbl

Dans un jugement du 27 juillet 2011, le Tribunal du travail de Mons, (Sect. La Louvière) se penche sur la notion de chômage économique : celui-ci doit être justifié par des difficultés extérieures à l’entreprise et il ne peut constituer une variable d’ajustement structurelle.

Rétroactes

Une société se voit notifier par l’ONEm une décision en mai 2010 par laquelle les demandes de chômage temporaire pour cause économique des travailleurs de l’entreprise seront rejetées, à partir d’une date déterminée (1er décembre 2010) au motif qu’il y aurait recours structurel à la mise en chômage, celle-ci n’étant pas une transition pendant les périodes de moindre activité ou n’étant pas décidée en vue de faire face à des fluctuations temporaires de travail.

Deux autres décisions vont suivre, confirmant le refus de prise en charge.

La société cite, en conséquence, l’ONEm devant le tribunal du travail et appelle l’ONVA à la cause, en déclaration de jugement commun.

Position des parties

L’employeur, dépendant de l’HORECA, fait état d’un manque de clientèle lié à divers éléments : crise, interdiction du tabac, mauvaise localisation, …

Il conteste par ailleurs les critères de l’ONEm, qu’il considère purement statistiques et abstraits.

Quant à l’ONEm et l’ONVA, ils ont une thèse commune, selon laquelle l’importance du chômage économique au sein de la société est anormale. L’ONEm considère qu’il s’agit d’un chômage structurel, ne correspondant pas à l’article 51 de la loi du 3 juillet 1978. Il fait notamment valoir que la société recourt à ce système depuis plus de quinze ans de manière permanente et qu’il s’agit dans son chef d’éviter les contraintes liées à l’engagement de travailleurs à temps partiel.

L’ONVA conteste en outre la recevabilité des demandes à son égard. Il fait notamment valoir qu’il a une propre compétence d’appréciation en ce qui concerne l’assimilation des périodes de chômage économique et fait notamment grief à la société d’avoir introduit contre l’ONEM une action « ad futurum » et prématurée.

Décision du tribunal

Le tribunal considère, en réponse à l’argumentation de l’ONVA qu’un employeur a un intérêt suffisant à introduire une telle action, dès lors que l’ONEm refuse des notifications de chômage temporaire pour une période déterminée, ce qui impliquera d’une part la privation d’allocations de chômage pour les travailleurs et d’autre part l’obligation pour l’employeur de fournir du travail ou à tout le moins de payer la rémunération. Par ailleurs, si l’ONVA dispose d’un pouvoir d’appréciation en ce qui concerne l’assimilation des périodes de chômage économique pour le régime des vacances annuelles, ceci ne prive pas le tribunal de son propre pouvoir sur la question.

Sur le fond, le tribunal doit examiner ce qu’il y a lieu d’entendre par « causes économiques » au sens de l’article 51 de la loi du 3 juillet 1978 sur les contrats de travail. Il relève qu’il n’y pas de définition dans celle-ci, non plus que dans les arrêtés royaux successifs qui ont été pris en exécution de cet article. Le tribunal va, dès lors, reprendre le sens que doit avoir ce chômage, étant qu’il doit trouver son origine dans des causes économiques, celles-ci devant être externes à l’entreprise de même qu’à son mode d’organisation ou à sa gestion. Une deuxième caractéristique est son caractère temporaire, et ce d’autant que la réglementation en limite les périodes à trois ou six mois, selon qu’il s’agit d’une suspension totale ou d’une réduction du temps de travail. Le tribunal insiste également sur la distinction à opérer entre l’hypothèse du chômage économique et celle de l’accident technique, d’intempéries ou encore de force majeure, la loi visant ces situations dans d’autres dispositions.

En l’espèce, le tribunal constate que parmi les éléments invoqués par la société figurent notamment les grèves d’une grande surface voisine, mais que la société elle-même abandonne cet argument dans ses écrits de procédure. Elle fait cependant valoir que son restaurant et sa taverne « ne tournent pas comme souhaité » et elle donne dès lors à cette mauvaise rentabilité les explications ci-dessus.

Le tribunal rejette ces arguments comme insuffisants. Il signale qu’ils sont énoncés comme des évidences mais ne sont nullement établis : (i) au contraire d’être mauvaise, la localisation à côté d’une grande surface est un facteur positif, (ii) « la crise » ne peut en elle-même suffire à expliquer le système mis en place par la société depuis plus de vingt ans et (iii) il en va de même de l’interdiction du tabac, qui est récente.

Le tribunal conclut que sont exigés – et uniquement - des éléments externes à l’entreprise et de nature économique. Il retient encore qu’existe un important écart entre le pourcentage moyen de chômage économique du secteur (2%) et celui de l’entreprise (de 30 à 40%) et rejette la demande. Les décisions de refus de l’ONEm sont confirmée.

Intérêt de la décision

Ce jugement du Tribunal du travail de Mons (Sect. La Louvière), qui a constaté l’absence de définitions des termes « chômage économique » dans la loi du 3 juillet 1978, fixe deux repères utiles, étant qu’il doit s’agir de difficultés externes à l’employeur et non d’aléas liés à son activité (gestion, organisation et rentabilité). Par ailleurs, il examine les statistiques relatives aux autres employeurs du secteur susceptibles d’être touchés de la même manière par la situation vantée et constate, en l’espèce, un pourcentage beaucoup plus élevé (de 15 à 20 fois) dans le cas qui lui est soumis.

Les précisions apportées par le tribunal sont à cet égard utiles pour la précision de la notion.


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