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ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

5 novembre 2014 (*)

«Renvoi préjudiciel – Sécurité sociale – Règlement (CEE) n° 1408/71 – Articles 12, 45, 46 et 94 – Réglementation nationale soumettant l’octroi d’une pension à une condition d’interruption des cotisations à l’assurance vieillesse – Rachat d’une période d’assurance manquante en contrepartie du paiement des cotisations – Concomitance de périodes d’assurance dans plusieurs États membres – Faculté de l’assuré d’écarter la règle du cumul des durées des périodes de cotisation et d’assurance – Retrait de la pension octroyée et recouvrement du trop-perçu – Obligation de payer des intérêts»

Dans l’affaire C‑103/13,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Administrativen sad Sofia‑grad (Bulgarie), par décision du 12 février 2013, parvenue à la Cour le 4 mars 2013, dans la procédure

Snezhana Somova

contre

Glaven direktor na Stolichno upravlenie «Sotsialno osiguryavane»,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, M. E. Levits, Mme M. Berger (rapporteur), MM. S. Rodin et F. Biltgen, juges,

avocat général: M. M. Wathelet,

greffier: M. M. Aleksejev, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 9 janvier 2014,

considérant les observations présentées:

–        pour le gouvernement bulgare, par Mme E. Petranova et M. Y. Atanasov, en qualité d’agents,

–        pour l’Irlande, par Mme E. Creedon, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par MM. M. Kellerbauer, D. Roussanov et V. Kreuschitz ainsi que Mme S. Petrova, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 5 mars 2014,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 48, premier alinéa, sous a), TFUE et 49 TFUE ainsi que des articles 12, paragraphes 1 et 2, 46, paragraphes 1 et 2, et 94, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996 (JO 1997, L 28, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) n° 1992/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006 (JO L 392, p. 1, ci‑après le «règlement n° 1408/71»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme Somova au Glaven direktor na Stolichno upravlenie «Sotsialno osiguryavane» (directeur général du service «Sécurité sociale» de la capitale, ci-après le «SUSO») au sujet de la décision de ce dernier ordonnant la restitution des sommes perçues au titre d’un droit à pension individuelle de vieillesse, assorties des intérêts, au motif que ce droit aurait été octroyé en violation de l’article 94, paragraphe 1, du code des assurances sociales (Kodeks za sotsialnoto osiguryavane, ci‑après le «KSO»).

 Le cadre juridique

 La réglementation de l’Union

3        Le règlement n° 1408/71, en vigueur à la date des faits au principal, a été abrogé par le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO L 166, p. 1).

4        L’article 12 du règlement n° 1408/71, intitulé «Non-cumul de prestations» prévoyait à ses paragraphes 1 et 2:

«1.      Le présent règlement ne peut conférer ni maintenir le droit de bénéficier de plusieurs prestations de même nature se rapportant à une même période d’assurance obligatoire. Toutefois, cette disposition ne s’applique pas aux prestations d’invalidité, de vieillesse, de décès (pensions) ou de maladie professionnelle qui sont liquidées par les institutions de deux ou plusieurs États membres, conformément aux dispositions de l’article 41, de l’article 43 paragraphes 2 et 3, des articles 46, 50 et 51 ou de l’article 60 paragraphe 1 point b).

2.      À moins qu’il n’en soit disposé autrement dans le présent règlement, les clauses de réduction, de suspension ou de suppression prévues par la législation d’un État membre en cas de cumul d’une prestation avec d’autres prestations de sécurité sociale ou avec d’autres revenus de toute nature sont opposables au bénéficiaire, même s’il s’agit de prestations acquises au titre de la législation d’un autre État membre ou de revenus obtenus sur le territoire d’un autre État membre.»

5        L’article 44 du même règlement, intitulé «Dispositions générales concernant la liquidation des prestations lorsque le travailleur salarié ou non salarié a été assujetti à la législation de deux ou plusieurs États membres», était libellé comme suit à ses paragraphes 1 et 2:

«1.      Les droits à prestations d’un travailleur salarié ou non salarié qui a été assujetti à la législation de deux ou plusieurs États membres, ou de ses survivants, sont établis conformément aux dispositions du présent chapitre.

2.      Sous réserve de l’article 49, il doit être procédé aux opérations de liquidation au regard de toutes les législations auxquelles le travailleur salarié ou non salarié a été assujetti dès lors qu’une demande de liquidation a été introduite par l’intéressé. Il est dérogé à cette règle si l’intéressé demande expressément de surseoir à la liquidation des prestations de vieillesse qui seraient acquises en vertu de la législation de l’un ou de plusieurs des États membres.»

6        L’article 45 du règlement n° 1408/71, intitulé «Prise en compte des périodes d’assurance ou de résidence accomplies sous les législations auxquelles le travailleur salarié ou non salarié a été assujetti pour l’acquisition, le maintien ou le recouvrement du droit à prestations», disposait à son paragraphe 1:

«Si la législation d’un État membre subordonne l’acquisition, le maintien ou le recouvrement du droit aux prestations en vertu d’un régime qui n’est pas un régime spécial au sens des paragraphes 2 ou 3, à l’accomplissement de périodes d’assurance ou de résidence, l’institution compétente de cet État membre tient compte, dans la mesure nécessaire, des périodes d’assurance ou de résidence accomplies sous la législation de tout autre État membre, que ce soit dans le cadre d’un régime général ou spécial, applicable à des travailleurs salariés ou non salariés. Dans ce but, elle tient compte de ces périodes, comme s’il s’agissait de périodes accomplies sous la législation qu’elle applique.»

7        L’article 46 dudit règlement, intitulé «Liquidation des prestations», prévoyait à ses paragraphes 1 et 2:

«1.      Lorsque les conditions requises par la législation d’un État membre pour avoir droit aux prestations sont satisfaites sans qu’il soit nécessaire de faire application de l’article 45 ni de l’article 40, paragraphe 3, les règles suivantes sont applicables:

a)      l’institution compétente calcule le montant de la prestation qui serait due:

i)      d’une part, en vertu des seules dispositions de la législation qu’elle applique;

ii)      d’autre part, en application du paragraphe 2;

b)      l’institution compétente peut toutefois renoncer au calcul à effectuer conformément au point a) ii), si le résultat de celui-ci est identique ou inférieur à celui du calcul effectué conformément au point a) i), abstraction faite des différences dues à l’emploi de chiffres ronds, dans la mesure où cette institution n’applique pas une législation comportant des clauses de cumuls telles que visées aux articles 46 ter et 46 quater ou si la législation en comporte dans le cas visé à l’article 46 quater, à condition qu’elle ne prévoie la prise en compte des prestations de nature différente qu’en fonction du rapport entre la durée des périodes d’assurance ou de résidence accomplies sous sa seule législation et la durée des périodes d’assurance et de résidence requises par cette législation pour bénéficier d’une prestation complète.

L’annexe IV partie C mentionne pour chaque État membre concerné les cas où les deux calculs aboutiraient à un tel résultat.

2.      Lorsque les conditions requises par la législation d’un État membre pour avoir droit aux prestations ne sont satisfaites qu’après l’application de l’article 45 et/ou de l’article 40 paragraphe 3, les règles suivantes sont applicables:

[...]»

8        L’article 84 bis du même règlement, intitulé «Relations entre les institutions et les personnes couvertes par le présent règlement», disposait:

«1.      Les institutions et les personnes couvertes par le présent règlement sont tenues à une obligation mutuelle d’information et de coopération pour assurer la bonne application du présent règlement.

Les institutions, conformément au principe de bonne administration, répondent à toutes les demandes dans un délai raisonnable. Elles fournissent à cette occasion aux personnes concernées toute information requise aux fins de l’exercice des droits qui leur sont conférés par le présent règlement.

Les personnes concernées sont tenues d’informer dans les meilleurs délais les institutions de l’État compétent et de l’État de résidence de tout changement dans leur situation personnelle ou familiale qui affecte leur droit à des prestations au titre du présent règlement.

2.      Le non-respect de l’obligation d’information prévue au paragraphe 1, troisième alinéa, peut entraîner l’application de mesures proportionnées conformément au droit national. Toutefois, ces mesures sont équivalentes à celles applicables à des situations similaires relevant de l’ordre juridique interne et ne doivent pas rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés aux intéressés par le présent règlement.

3.      En cas de difficultés d’interprétation ou d’application du présent règlement, susceptibles de mettre en cause les droits d’une personne couverte par celui-ci, l’institution de l’État compétent ou de l’État de résidence de la personne en cause s’adresse à la ou aux institutions du ou des autres États membres concernés. À défaut d’une solution dans un délai raisonnable, les autorités concernées peuvent saisir la commission administrative.»

9        L’article 94 du règlement n° 1408/71, concernant les dispositions transitoires pour les travailleurs salariés, disposait à son paragraphe 2:

«Toute période d’assurance ainsi que, le cas échéant, toute période d’emploi ou de résidence accomplie sous la législation d’un État membre avant le 1er octobre 1972 ou avant la date d’application du présent règlement sur le territoire de cet État membre ou sur une partie du territoire de cet État est prise en considération pour la détermination des droits ouverts conformément aux dispositions du présent règlement.»

10      La partie C de l’annexe IV du règlement nº 1408/71 était intitulée «Cas [visés] à l’article 46 paragraphe 1 point b) du règlement où il peut être renoncé au calcul de la prestation conformément à l’article 46 paragraphe 2 du règlement». Sous la lettre B «Bulgarie» y étaient visées:

«Toutes les demandes de pension pour des périodes d’assurance et la vieillesse, les pensions d’invalidité pour maladie banale et les pensions de survie dérivées des pensions susmentionnées.»

11      L’annexe VII dudit règlement, intitulée «Cas dans lesquels une personne est soumise simultanément à la législation de deux États membres», disposait à son point 2:

«Exercice d’une activité non salariée en Bulgarie et d’une activité salariée dans un autre État membre».

 Le droit bulgare

12      L’article 4, paragraphe 3, du KSO dispose:

«Sont obligatoirement assurées contre l’invalidité pour cause de maladie, contre la vieillesse et contre la mort:

[...]

5.      les personnes qui travaillent sans être salariées et qui perçoivent une rémunération mensuelle supérieure ou égale à un salaire minimum, après déduction des frais reconnus par la réglementation, lorsqu’elles ne sont pas assurées sur un autre fondement pour le mois correspondant.

6.      les personnes qui travaillent sans être salariées et qui sont assurées sur un autre fondement pour le mois correspondant, indépendamment du montant de la rémunération.

[...]»

13      Par l’arrêt n° 5, du 29 juin 2000, le Konstitucionen sad (Cour constitutionnelle) a déclaré contraire à la Constitution l’obligation faite aux pensionnés qui travaillent comme non-salariés d’être assurés et de verser des cotisations. Ces pensionnés travailleurs indépendants peuvent toutefois s’assurer volontairement contre les trois risques énumérés à l’article 4, paragraphe 3, du KSO.

14      Dans sa version applicable aux travailleurs indépendants pour la période allant du 27 décembre 2005 jusqu’au 31 décembre 2011, l’article 94 du KSO, intitulé «Date d’octroi de la pension», disposait à son paragraphe 1:

«Les pensions sont octroyées à compter de la date d’acquisition du droit et, concernant les pensions de vieillesse, à compter de la fin de l’assurance, si la demande assortie des documents requis a été déposée dans les six mois à compter de l’acquisition du droit ou, le cas échéant, de la fin de l’assurance. Si les documents sont déposés après l’expiration du délai de six mois à compter de l’acquisition du droit ou, le cas échéant, de la fin de l’assurance, les pensions sont octroyées à compter de la date de dépôt des documents.»

15      L’obligation de mettre fin à l’assurance, imposée par l’article 94 du KSO, pour l’ouverture du droit à pension a été abrogée pour les travailleurs non salariés à partir du 1er janvier 2012.

16      L’article 114 du KSO, intitulé «Recouvrement des sommes indûment perçues», dispose à son paragraphe 1:

«Les sommes perçues indument à titre de prestations d’assurance sont recouvrées, avec intérêts, auprès du bénéficiaire [...]»

17      L’article 9, paragraphes 3 et 5, des dispositions transitoires et finales du KSO dispose:

«3.      Dans la période d’assurance en vue d’une mise à la retraite, il est également tenu compte de la période durant laquelle les intéressés avaient atteint l’âge visé à l’article 68, alinéas 1 et 2, mais durant laquelle il manquait cinq années de cotisations avant l’acquisition du droit à la retraite et durant laquelle ont été acquittées des cotisations d’assurance calculées sur la base du revenu minimal garanti aux travailleurs non salariés déterminé en vertu de la loi de financement de l’assurance étatique obligatoire le jour du paiement de ces cotisations, dès lors que ladite période n’est pas comptée comme période d’assurance en vertu d’une autre disposition du présent code.

[...]

5.      Pour une période d’assurance acquise en vertu du paragraphe 3, le droit à la pension naît au jour du paiement des cotisations sociales ou au jour de la validation de l’échéancier de paiement échelonné de ces cotisations.»

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

18      Le 18 janvier 2007, Mme Somova a sollicité l’octroi d’une pension de vieillesse en déclarant qu’elle avait travaillé en Bulgarie du 18 janvier 1957 au 31 mai 1996 et qu’elle n’était plus assurée depuis le 4 juin 1996. Cette demande a été rejetée par décision du 6 février 2007 au motif que Mme Somova, ayant cotisé en Bulgarie pendant une période d’assurance d’une durée totale de 33 ans, 11 mois et 17 jours ne répondait pas aux conditions d’âge et d’ancienneté requises par la loi bulgare.

19      Le 22 juin 2007, Mme Somova a demandé la liquidation de ses droits à pension de vieillesse sur le fondement de l’article 9 des dispositions transitoires et finales du KSO, dans sa version alors en vigueur. En vertu de cet article, cette liquidation était subordonnée au versement des cotisations correspondant à une période résiduelle manquante d’assurance de 2 ans, 6 mois et 17 jours. Par décision du 5 juillet 2007, Mme Somova a bénéficié, à sa demande, d’un échéancier prévoyant le paiement échelonné des cotisations manquantes.

20      À la même date, la fille de Mme Somova, agissant comme mandataire de cette dernière, a certifié par écrit que sa mère n’avait pas travaillé après le 4 juin 1996 et que celle-ci n’était pas assurée.

21      Par décision du 11 juillet 2007, une pension de vieillesse fixée au montant minimal a été octroyée à Mme Somova, à compter du 5 juillet 2007. Ce montant a été réévalué à plusieurs reprises.

22      À la suite d’une demande de pension de vieillesse introduite en 2011 par Mme Somova auprès de l’organisme autrichien de sécurité sociale compétent, le SUSO a reçu, le 20 septembre 2011, les formulaires E 001/AT et E 205/AT. Il en ressort que Mme Somova a été affiliée, pour les périodes allant du mois d’octobre 1995 au mois de décembre 2000 et du mois de janvier 2001 au mois de juillet 2011, au régime de sécurité sociale des travailleurs indépendants en vertu de la loi fédérale autrichienne sur la sécurité sociale. Pendant ces périodes, Mme Somova exerçait la profession d’agriculteur en Autriche.

23      Le SUSO en a déduit que, le 5 juillet 2007, date de l’octroi de sa pension de vieillesse, Mme Somova n’avait pas cessé de verser des cotisations de sécurité sociale. Par trois décisions rendues sur ce fondement, le SUSO a annulé la décision octroyant une pension de vieillesse à Mme Somova, d’une part, et les décisions qui en augmentaient le montant, d’autre part, et a ordonné la récupération avec intérêts des sommes versées à celle-ci.

24      Le recours formé contre ces décisions par Mme Somova a été rejeté par la décision du 2 décembre 2011 du SUSO. Ce dernier a considéré que le certificat du 5 juillet 2007 établi par la mandataire de Mme Somova ne portait pas uniquement sur l’interruption de l’assurance sociale de cette dernière en Bulgarie dès lors que, en vertu de l’article 84 bis du règlement n° 1408/71, Mme Somova était tenue d’informer l’organisme de sécurité sociale bulgare de son affiliation dans un autre État membre. En outre, il aurait fallu prendre en compte, en vertu des articles 44, paragraphe 2, et 45 de ce règlement, la période d’assurance de Mme Somova en Autriche sans toutefois appliquer l’article 9 des dispositions transitoires et finales du KSO.

25      Selon Mme Somova, le fait qu’elle était affiliée en Autriche au moment de la demande de pension en Bulgarie n’est pas pertinent, étant donné qu’il s’agissait d’une affiliation à un régime de sécurité sociale d’un autre État membre.

26      Dans ces conditions, l’Administrativen sad Sofia-grad a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Au vu des faits [de l’affaire au principal], l’article 48, premier alinéa, [TFUE] et l’article 49 [TFUE] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils autorisent une disposition nationale, telle celle [en cause au principal], [à savoir] l’article 94, paragraphe 1, du [KSO], relatif à l’exigence d’une interruption de l’assurance en tant que fondement de l’octroi d’une pension de vieillesse à un ressortissant de l’État membre qui, au jour de la demande de pension, exerce une activité en tant que travailleur non salarié dans un autre État membre et qui entre dans le champ d’application du [règlement n° 1408/71]?

2)      L’article 94, paragraphe 2, du règlement n° 1408/71, interprété à la lumière de l’article 48, premier alinéa, sous a), TFUE, permet‑il d’écarter la règle de totalisation de la période d’assurance accomplie dans un autre État membre avant la date de mise en œuvre du règlement par l’État membre dans lequel la demande de pension a été présentée, de donner à l’assuré le choix d’invoquer les périodes à additionner et d’apprécier s’il y a lieu de les additionner, lorsque la période accomplie sous le seul droit de l’État où la pension est demandée ne suffit pas pour fonder un droit à une pension, sauf par rachat de cotisations sociales?

      Dans ces mêmes circonstances, l’article 48, premier alinéa, sous a), TFUE permet-il le refus de l’application de l’article 46, paragraphe 2, du règlement n° 1408/71 – portant addition des périodes d’assurance après la date de son application – par choix de la personne assurée, lorsque cette personne ne mentionne pas dans sa demande de pension les périodes d’assurance accomplies dans un autre État membre?

3)      L’article 12, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71 doit‑il être interprété en ce sens qu’il n’autorise pas la reconnaissance d’une période d’assurance moyennant rachat des cotisations, telle que prévue en droit bulgare à l’article 9, paragraphe 3, [des dispositions transitoires et finales du KSO], lorsque, comme dans le litige au principal, la période d’assurance ainsi reconnue coïncide avec des périodes d’assurance accomplies en vertu du droit d’un autre État membre?

4)      L’article 12, paragraphe 2, du règlement n° 1408/71 doit‑il être interprété en ce sens qu’il autorise l’État membre à interrompre dorénavant le paiement de la pension et de mettre en recouvrement tous les paiements de pension de vieillesse octroyée en vertu de son droit national à l’un de ses ressortissants, lorsque les conditions visées dans le libellé [de ce] règlement n’étaient réunies qu’à la date de l’octroi de la pension, lorsque les motifs pour ce faire étaient présents dans le droit national uniquement (à savoir que l’assurance n’avait pas été interrompue au jour de l’octroi de la pension, qu’une période d’assurance avait été prise en compte moyennant rachat conformément au droit national sans que soient prises en compte, au jour de l’octroi, des périodes d’assurance accomplies dans un autre État membre) et lorsque n’étaient pas exposés les motifs de la fixation d’une pension d’un montant différent?

      Dans l’hypothèse où le recouvrement des paiements de pension effectués serait autorisé, découle-t-il des principes d’équivalence et d’effectivité du droit de l’Union que des intérêts sont également dus, lorsque le droit national de l’État membre ne prévoit pas d’intérêts pour le recouvrement d’une pension octroyée en vertu d’un traité international?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la recevabilité des questions

27      L’Irlande considère que la demande de décision préjudicielle est irrecevable au motif que l’affaire au principal a un caractère purement interne et que sa résolution ne requiert ni l’application ni l’interprétation du droit de l’Union. Dans ce contexte, cet État membre est notamment d’avis que la décision de renvoi ne contient pas suffisamment d’informations relatives aux circonstances de fait et de droit de l’affaire au principal démontrant clairement l’éventuelle incidence du droit de l’Union sur la solution de cette affaire.

28      Cette argumentation ne saurait être retenue. En effet, il importe de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, les règles du traité FUE en matière de libre circulation des personnes et les actes pris en exécution de celles-ci ne peuvent être appliqués à des situations qui ne présentent aucun facteur de rattachement à l’une quelconque des situations envisagées par le droit de l’Union et dont l’ensemble des éléments pertinents se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre (voir arrêt Dereci e.a., C‑256/11, EU:C:2011:734, point 60 et jurisprudence citée).

29      En l’occurrence, toutefois, même si l’affaire au principal porte essentiellement sur la condition, imposée à l’article 94, paragraphe 1, du KSO, soumettant l’ouverture des droits à pension de vieillesse à l’interruption de l’affiliation à l’assurance sociale, la situation considérée ne saurait être qualifiée de purement interne à un État membre. En effet, à la date de sa demande de pension, Mme Somova était travailleur indépendant en Autriche, exerçant ainsi son droit à la liberté d’établissement en application de l’article 49 TFUE.

30      En outre, la juridiction de renvoi a constaté que certaines périodes d’assurance de Mme Somova au régime d’assurance vieillesse en Autriche chevauchaient des périodes d’assurance similaires en Bulgarie, notamment celle de 2 ans, 6 mois et 17 jours rachetée par Mme Somova en contrepartie du versement des cotisations complémentaires, en vertu de l’article 9, paragraphe 3, des dispositions transitoires et finales du KSO. Or, une telle situation est, en principe, régie par les dispositions du règlement n° 1408/71.

31      Dès lors, les questions préjudicielles sont recevables.

 Sur la première question

32      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 48 TFUE et 49 TFUE s’opposent à une réglementation nationale, telle que l’article 94, paragraphe 1, du KSO, selon laquelle la liquidation des droits à pension de vieillesse est soumise à la condition préalable de l’interruption du versement des cotisations de sécurité sociale afférentes à une activité exercée dans un autre État membre.

 Sur l’existence de restrictions

33      En ce qui concerne la question de savoir si une réglementation nationale telle que celle en cause au principal constitue une restriction à la libre circulation des travailleurs, il convient de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour que le règlement n° 1408/71 n’organise pas un régime commun de sécurité sociale, mais laisse subsister des régimes nationaux distincts et a pour unique objet d’assurer une coordination entre ces derniers. Ainsi, les États membres conservent leur compétence pour aménager leurs systèmes de sécurité sociale (voir arrêt Salgado González, C‑282/11, EU:C:2013:86, point 35 et jurisprudence citée).

34      Dès lors, en l’absence d’une harmonisation au niveau de l’Union européenne, il appartient à la législation de chaque État membre de déterminer, notamment, les conditions qui donnent droit à des prestations (arrêt Salgado González, EU:C:2013:86, point 36 et jurisprudence citée).

35      Dans l’exercice de cette compétence, les États membres doivent néanmoins respecter le droit de l’Union et, en particulier, les dispositions du traité relatives à la liberté reconnue à tout citoyen de l’Union de circuler et de séjourner sur le territoire des États membres (arrêt Salgado González, EU:C:2013:86, point 37 et jurisprudence citée).

36      Il convient également de rappeler que l’ensemble des dispositions du traité relatives à la libre circulation des personnes visent à faciliter, pour les ressortissants de l’Union, l’exercice d’activités professionnelles de toute nature sur le territoire de l’Union et s’opposent aux mesures qui pourraient défavoriser ces ressortissants lorsqu’ils souhaitent exercer une activité économique sur le territoire d’un autre État membre (voir, notamment, arrêts Bosman, C‑415/93, EU:C:1995:463, point 94, ainsi que ITC, C‑208/05, EU:C:2007:16, point 31 et jurisprudence citée).

37      Des dispositions nationales qui empêchent ou dissuadent un travailleur ressortissant d’un État membre de quitter son État d’origine pour exercer son droit à la libre circulation constituent, dès lors, des entraves à cette liberté même si elles s’appliquent indépendamment de la nationalité des travailleurs concernés (voir, notamment, arrêts Bosman, EU:C:1995:463, point 96; ITC, EU:C:2007:16, point 33, ainsi que Zentralbetriebsrat der gemeinnützigen Salzburger Landeskliniken, C‑514/12, EU:C:2013:799, point 30 et jurisprudence citée).

38      En conséquence, les dispositions du traité relatives à la libre circulation des personnes s’opposent à toute mesure qui, même applicable sans discrimination tenant à la nationalité, est susceptible de gêner ou de rendre moins attrayant l’exercice, par les ressortissants de l’Union, des libertés fondamentales garanties par le traité (voir, en ce sens, arrêts Gouvernement de la Communauté française et gouvernement wallon, C‑212/06, EU:C:2008:178, point 45, ainsi que Casteels, C‑379/09, EU:C:2011:131, point 22).

39      Il s’ensuit que le législateur bulgare est compétent pour fixer, en vertu de son propre droit, les conditions d’octroi d’une pension de vieillesse dans la mesure où elles ne sont pas discriminatoires en raison de la nationalité des demandeurs et n’empêchent pas ou ne dissuadent pas les personnes ayant droit à une pension de vieillesse d’exercer les libertés fondamentales garanties par le traité.

40      Dans l’affaire au principal, l’article 94, paragraphe 1, du KSO s’applique indistinctement à l’ensemble des salariés ayant travaillé en Bulgarie et ne constitue donc pas une discrimination en fonction de la nationalité des travailleurs concernés.

41      En ce qui concerne une éventuelle entrave aux libertés fondamentales, il convient de relever que cette disposition impose, pour qu’il soit procédé à la liquidation des droits à pension de vieillesse, une interruption formelle du paiement des cotisations qui se traduit par une cessation d’activité professionnelle. Le gouvernement bulgare a confirmé, lors de l’audience, qu’une interruption très brève d’un jour est suffisante pour satisfaire à cette condition. En outre, l’assuré n’était pas privé du droit d’exercer une telle activité après la liquidation de ses droits à pension de vieillesse et pouvait cumuler une telle pension avec une activité professionnelle rémunérée.

42      En effet, une telle interruption du versement de cotisations, aussi aisée qu’elle puisse être pour un travailleur exerçant son activité en Bulgarie, peut s’avérer difficile, voire impossible, pour un travailleur qui jouit de sa liberté de circulation ou de la liberté d’établissement en exerçant une activité professionnelle comme salarié ou indépendant dans un autre État membre. En particulier, les démarches administratives susceptibles de découler de cette interruption dans un autre État membre pourraient inciter ou même contraindre un travailleur placé dans une situation semblable à celle de Mme Somova d’arrêter son activité professionnelle pour une période d’une durée imprévisible, plus longue que celle minimale d’un jour requise par la réglementation bulgare, afin de se voir octroyer une pension de vieillesse en application de cette réglementation.

43      Or, une telle interruption pourrait mettre en cause la poursuite, par un travailleur indépendant, de son activité professionnelle et é rendre précaire sa situation professionnelle étant donné que, à la suite de cette interruption, il n’aurait aucune garantie de poursuivre son emploi ou d’en trouver un autre.

44      Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 49 de ses conclusions, la même interruption pourrait également avoir, après le retour à l’emploi dudit travailleur, des conséquences négatives sur la rémunération, le déroulement de la carrière et l’avancement de ce dernier, comme, à titre d’exemple, une perte de droits aux congés payés, un classement moins élevé ou une moindre ancienneté.

45      Il en résulte qu’une disposition nationale, telle que l’article 94, paragraphe 1, du KSO, est susceptible d’empêcher ou de dissuader des personnes qui bénéficient d’une pension de vieillesse en application de la législation bulgare d’exercer une activité professionnelle dans un autre État membre et constitue dès lors une entrave à la libre circulation et notamment à la liberté d’établissement visée à l’article 49 TFUE.

 Sur la justification de la restriction

46      Une mesure qui entrave les libertés fondamentales ne peut être admise que si elle poursuit un objectif légitime compatible avec le traité et se justifie par des raisons impérieuses d’intérêt général. Mais encore faut‑il, en pareil cas, que l’application d’une telle mesure soit propre à garantir la réalisation de l’objectif en cause et n’aille pas au‑delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif (voir, notamment, arrêts ITC, EU:C:2007:16, point 37, ainsi que Wencel, C‑589/10, EU:C:2013:303, point 70 et jurisprudence citée).

47      À titre liminaire, il y a lieu de relever que le gouvernement bulgare a confirmé, lors de l’audience, qu’un assuré gardait le droit d’exercer une activité après la liquidation de ses droits à pension de vieillesse et pouvait cumuler cette pension de vieillesse avec une activité professionnelle rémunérée. Il n’existe donc pas de lien nécessaire et direct entre le paiement d’une telle pension en application du droit bulgare et la cessation d’une activité professionnelle rémunérée.

48      En outre, le gouvernement bulgare a indiqué, lors de l’audience, que l’objectif de l’exigence purement formelle d’interruption d’une telle activité était inconnu, voire inexistant. Ce gouvernement a ajouté que cette exigence était sans intérêt et illogique, que, de surcroît, la disposition dont elle résultait avait été abrogée pour les travailleurs non salariés à partir du 1er janvier 2012 et que l’opportunité d’une telle abrogation pour les travailleurs salariés faisait actuellement l’objet d’un examen en Bulgarie.

49      Dès lors, il convient de constater que ladite exigence n’est pas justifiée par un objectif d’intérêt général dont elle serait à même de garantir la réalisation.

50      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 49 TFUE s’oppose à la réglementation d’un État membre, telle que l’article 94, paragraphe 1, du KSO, selon laquelle la liquidation des droits à pension de vieillesse est soumise à la condition préalable de l’interruption du versement des cotisations de sécurité sociale afférentes à une activité exercée dans un autre État membre.

 Sur la deuxième question

51      Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 45, 46, paragraphe 2, et 94, paragraphe 2, du règlement n° 1408/71 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ont un caractère impératif ou en ce sens qu’ils confèrent aux assurés sociaux la faculté de choisir que ne soient pas prises en compte, aux fins de la détermination des droits ouverts dans un État membre, les périodes d’assurance accomplies dans un autre État membre avant la date d’application de ce règlement dans ce premier État membre.

52      En examinant tout d’abord l’article 94, paragraphe 2, du règlement n° 1408/71, il convient de rappeler qu’il y est prévu toute période d’assurance ainsi que, le cas échéant, toute période d’emploi ou de résidence accomplie sous la législation d’un État membre avant le 1er octobre 1972 ou avant la date d’application du règlement sur le territoire de cet État membre ou sur une partie du territoire de cet État est prise en considération pour la détermination des droits ouverts conformément aux dispositions dudit règlement.

53      Le caractère obligatoire de cette disposition découle clairement de son libellé non équivoque, et notamment de l’emploi des termes «est prise en considération» dans la version française. Cette constatation ressort également des autres versions linguistiques du règlement n° 1408/71, celles-ci ne prêtant à aucune discussion relative au caractère contraignant de ladite disposition.

54      Cette interprétation littérale de l’article 94, paragraphe 2, dudit règlement est corroborée par la jurisprudence constante de la Cour dont il ressort que les dispositions du même règlement déterminant la législation applicable forment un système de règles de conflit dont le caractère complet a pour effet de soustraire aux législateurs nationaux le pouvoir de déterminer l’étendue et les conditions d’application de leur législation nationale en la matière, quant aux personnes qui y sont soumises et quant au territoire à l’intérieur duquel les dispositions nationales produisent leurs effets (voir, notamment, arrêt van Delft e.a., C‑345/09, EU:C:2010:610, point 51 et jurisprudence citée).

55      Les règles de conflit prévues par le règlement n° 1408/71 s’imposant ainsi de manière impérative aux États membres, il ne saurait à plus forte raison être admis que les assurés sociaux relevant du champ d’application de ces règles puissent en contrecarrer les effets en disposant du choix de s’y soustraire. En effet, l’application du système de conflit de loi instauré par ce règlement ne dépend que de la situation objective dans laquelle se trouve le travailleur intéressé (arrêt van Delft e.a., EU:C:2010:610, point 52 et jurisprudence citée).

56      Dans ce contexte, la Cour a déjà jugé, s’agissant de travailleurs migrants, que ni le traité FUE, notamment son article 45, ni le règlement n° 1408/71 n’offrent à ces travailleurs le choix de renoncer par avance au bénéfice du mécanisme mis en place, notamment par l’article 28, paragraphe 1, de ce dernier règlement (arrêt van Delft e.a., EU:C:2010:610, point 53 et jurisprudence citée).

57      En outre, lorsque le règlement n° 1408/71 ouvre un droit d’option aux assurés sociaux relevant de son champ d’application quant à la législation applicable, il le prévoit explicitement (arrêt van Delft e.a., EU:C:2010:610, point 54 et jurisprudence citée).

58      L’article 94, paragraphe 2, dudit règlement revêt ainsi un caractère impératif. Ni les États membres, ni les autorités compétentes, ni les assurés sociaux relevant de son champ d’application ne peuvent y déroger.

59      S’agissant des articles 45 et 46, paragraphe 2, du même règlement, il convient de constater également qu’ils revêtent un caractère impératif, ceux-ci n’offrant, aux termes de leur libellé, aucun droit d’option à un assuré qui relève de ces dispositions (voir, par analogie, arrêt van Delft e.a., EU:C:2010:610, point 57). Par conséquent, l’assuré ne saurait renoncer à leur application en omettant de déclarer dans sa demande de liquidation de ses droits à pension de vieillesse en application de la législation d’un État membre les périodes d’assurance accomplies dans un autre État membre.

60      Cette constatation est corroborée par l’article 84 bis, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71, selon lequel les institutions et les personnes couvertes par ce règlement sont tenues à une obligation mutuelle d’information et de coopération pour assurer la bonne application dudit règlement. À cet égard, les personnes concernées sont tenues d’informer dans les meilleurs délais les institutions de l’État compétent et de l’État de résidence de tout changement dans leur situation personnelle ou familiale qui affecte leur droit à des prestations au titre du même règlement.

61      Il en découle que, comme l’a fait valoir l’Irlande dans ses observations écrites, le demandeur d’une prestation de sécurité sociale n’a pas le droit de présenter un historique fragmentaire de son parcours professionnel et de ses périodes d’assurance en vue de se procurer un avantage financier.

62      Par conséquent, le caractère impératif des articles 45, et 46, paragraphe 2, du règlement n° 1408/71 ne permet pas à l’assuré d’échapper à l’application, par l’institution compétente de l’État membre dans lequel la demande de pension de vieillesse est présentée, des règles de cumul de la totalité des périodes d’assurance et de calcul du montant effectif de cette prestation, au prorata, par rapport à la durée des périodes d’assurance accomplies, avant la date d’application de ce règlement sur le territoire de cet État membre, dans un autre État membre.

63      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il convient de répondre à la deuxième question que les articles 45, 46, paragraphe 2, et 94, paragraphe 2, du règlement n° 1408/71 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne confèrent pas aux assurés sociaux la faculté de choisir que ne soient pas prises en compte, aux fins de la détermination des droits ouverts dans un État membre, les périodes d’assurance accomplies dans un autre État membre avant la date d’application de ce règlement dans ce premier État membre.

 Sur la troisième question

64      Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 12, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une disposition nationale telle que l’article 9, paragraphe 3, des dispositions transitoires et finales du KSO, en ce que cette disposition prévoit le rachat de périodes d’assurance manquantes en contrepartie du paiement des cotisations, lorsque, comme dans l’affaire au principal, la période ainsi rachetée coïncide avec des périodes d’assurance accomplies en application de la législation d’un autre État membre.

65      À cet égard, il ressort de la réponse à la deuxième question que les articles 45, 46, paragraphe 2, et 94, paragraphe 2, dudit règlement ont un caractère impératif.

66      Dès lors, en application de l’article 45 du même règlement, les autorités compétentes bulgares étaient tenues de prendre en compte, lors de l’octroi à Mme Somova d’une pension de vieillesse en application de la législation bulgare, des périodes d’assurance accomplies en Bulgarie et en Autriche.

67      En effet, ainsi qu’il résulte du dossier dont dispose la Cour, les périodes d’assurance accomplies par Mme Somova en Autriche étaient suffisantes pour compenser celle au cours de laquelle Mme Somova n’était pas assurée au regard du droit bulgare. Étant donné que le cumul des périodes d’assurance de Mme Somova en Bulgarie et en Autriche, en application de l’article 45 du règlement n° 1408/71, suffisait à assurer à celle-ci un droit à une pension de vieillesse en application de la législation bulgare, les autorités bulgares n’étaient pas autorisées à lui imposer le rachat d’une période d’assurance au titre de l’article 9, paragraphe 3, des dispositions transitoires et finales du KSO.

68      Eu égard à ce qui précède et à la lumière de la réponse apportée à la deuxième question, il n’y a pas lieu d’apporter une réponse distincte de cette dernière à la troisième question.

 Sur la quatrième question

69      Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, dans un cas tel que celui au principal, l’article 12, paragraphe 2, du règlement n° 1408/71 s’oppose à la réglementation d’un État membre permettant à ce dernier d’interrompre le paiement d’une pension de vieillesse et de recouvrer tous les paiements effectués. En outre, cette juridiction demande si le recouvrement doit être récupéré avec intérêts au vu des principes d’équivalence et d’effectivité du droit de l’Union, lorsque le droit national ne prévoit pas d’intérêts pour le recouvrement d’une pension octroyée en vertu d’un traité international.

70      Il ressort de l’article 12, paragraphe 2, dudit règlement que les clauses de réduction prévues par la législation d’un État membre en cas de cumul d’une prestation avec d’autres prestations de sécurité sociale ou avec d’autres revenus de toute nature sont, en principe, opposables aux personnes bénéficiant d’une prestation à la charge de cet État membre.

71      Aussi, il convient de rappeler qu’il est permis, en vertu du droit bulgare, de cumuler une activité professionnelle rémunérée et une pension de vieillesse.

72      Dans ces circonstances, il y a lieu de constater que l’article 12, paragraphe 2, du règlement n° 1408/71 n’est pas applicable au cumul des revenus professionnels et des prestations de sécurité sociale en cause au principal.

73      Dès lors, il n’y a pas lieu de répondre à la quatrième question.

 Sur les dépens

74      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle‑ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

1)      L’article 49 TFUE s’oppose à la réglementation d’un État membre, telle que l’article 94, paragraphe 1, du code des assurances sociales (Kodeks za sotsialnoto osiguryavane), selon laquelle la liquidation des droits à pension de vieillesse est soumise à la condition préalable de l’interruption du versement des cotisations de sécurité sociale afférentes à une activité exercée dans un autre État membre.

2)      Les articles 45, 46, paragraphe 2, et 94, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) n° 118/97 du Conseil, du 2 décembre 1996, tel que modifié par le règlement (CE) n° 1992/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne confèrent pas aux assurés sociaux la faculté de choisir que ne soient pas prises en compte, aux fins de la détermination des droits ouverts dans un État membre, les périodes d’assurance accomplies dans un autre État membre avant la date d’application de ce règlement dans ce premier État membre.

Signatures


* Langue de procédure: le bulgare.